Ce qui marque, en premier lieu, dans ce film c’est le milieu social dans lequel vit l’héroïne : oui la maison familiale est bien un taudis, oui la mère au caractère toujours enjoué et qui revient, le matin, de ses escapades? couverte de cadeaux pour sa progéniture se prostitue en louant ses services pour plusieurs jours à des fêtards, oui l’alcool a bien transformé le père en une véritable loque.
Ce cadre social a priori déprimant est atténué par le fait que l’amour continue à circuler dans la maisonnée : la fille rencontre son petit ami alors qu’elle allait ramasser des palourdes pour soigner la gueule de bois de son père, la mère garde de la tendresse pour son mari
au point que lorsqu’il la blesse mortellement, par accident, avec un revolver, elle ne lui en veut pas, sa tirade sur son lit de mort est poignante
. Seule la grand-mère, pour qui l’amour ne fait pas bouillir la marmite contrairement aux activités de courtisanes fait preuve de cynisme avec un abatage réjouissant, mais est-elle aussi méchante que cela ? Quant à la benjamine de moins de 10 ans, fascinée par sa mère et sous l’emprise de sa grand-mère, elle semble vouée à suivre leur voie et récite des « poèmes » qui commence par « Ne cognez pas maman parce qu’elle est vieille. Ne frotter pas le sol avec sa face »...
Le choix d’un tel contexte et la franchise de sa description (même si l’époque oblige, bien sûr, le cinéaste à des circonlocutions minimales) est rare à l’époque, de surcroît pour un film qui est essentiellement, mais pas seulement, une comédie.
En effet, les scènes de séduction (notamment celle du side-car) entre la toujours juste et épatante Ginger Rogers et Joel McCrea empruntent, par leur rythme trépidant à la screwball comedy. Une fois ensemble, le couple, lorsqu’il gère un snack s’échange des blagues au rythme d’une réplique/ une vanne : on se croirait presque dans la série « Two broke girls », les rires enregistrés en moins (heureusement). Ils le font, certes, pour amuser la clientèle, mais, aussi, parce qu’ils s’étourdissent de leur esprit de réparti, marquant ainsi leur complicité.
L’enjeu du film est pour Ginger Rogers de pouvoir assumer sa famille aux yeux de son homme ce qui tire, parfois, le film vers le drame. Ginger échappera t’elle à la voie de la vie facile pleine de plaisirs de sa mère mais qui est finalement néfaste à elle et sa famille (c’est là la signification du titre « Pimrose path ») ?
Un film étonnant, rythmé, spirituel, très agréable qui donne envie de découvrir les autres films du peu connu Grégory La Cava.