« Auteur : Un auteur est une personne qui a fait une création originale manifestant sa personnalité, qu'il s'agisse de (…) d'art. » C’est également une personne de plus en plus rare au cœur des studios hollywoodiens. Même si la filmographie de Rian Johnson semble courte, on peut certainement attacher cette définition à ce cinéaste.
Il est également intéressant de noter sa participation à la série la plus cinématographique du moment, Breaking Bad. Si elle n’est pas la plus haut placée dans la sphère télévisée, on doit admettre qu’elle est certainement celle à l’écriture et surtout la mise en scène la plus proche du 7ème art, reflet d’une vague US à la fin des années 90 dont Rian Johnson semble s’inspirer. Pas étonnant donc qu’il est réalisé, entre autres, l’épisode « Fly », un des plus intéressants de la saison 3. Aparté télévisuel terminé.
Rian Johnson c’est avant tout, la fabuleuse découverte d’un auteur qui nous offrait en 2005, Brick, film au budget indé (à peine 500 000 $) et référent d’un cinéma flirtant entre le film noir et l’univers de David Lynch. C’est également The Brothers Bloom, film intimiste passé inaperçu dont une seconde lecture offre un réel intérêt et nouveau regard.
Retour au grand écran avec Looper, dont il est également l’auteur. Effort à saluer en toute objectivité dans cette ère de profit.
Le voyage dans le temps est un sujet vu et revu mais inépuisable et propice à des scénarios originaux. Rares sont les petites perles qui ont pu survoler le sujet de manière originale et compréhensible. Rian Johnson lui, a planché sur son script de nombreuses années et le résultat s’en ressent. Innovant, d’une structure impeccable, Looper propose un nouveau regard des causes et effets du voyage temporel, autant sur le plan psychique que physique.
Si la réussite du film tient principalement à la structure ludique mais explicite de son auteur, il est important de relever le côté formel du film.
La maîtrise de sa réalisation rappelle la manière dont David Fincher et Wayne Kramer (sur Running Scared du moins) entreprennent leur mise en scène. Procurer toujours du sens quant au choix des cadres et instaurer une énergie cinéphile et référencée aux mouvements de caméras. Suivre ses personnages et soutenir leurs intentions par la mise en scène. On pourrait reprocher à cette démarche trop de modernité, si ce n’était que Rian Johnson déploie ainsi une énergie en cohérence complète avec son thème et le cinéma de genre dans lequel il s’inscrit. Ce qui donne, entre autres, aux ellipses et basculements temporels une lisibilité parfaite.
Profondément inscrit entre le film d’auteur et de genre, Looper prend un deuxième relief par son casting. Si le maquillage dont Joseph Gordon Levitt est affublé pouvait faire craindre le pire dans la bande annonce, le mimétisme physique et de jeu du comédien face à son aïeul est plutôt réussit. Méconnaissable, il devient alors la parfaite figure d’un Bruce Willis jeune, quand ce dernier nous semble composé son meilleur rôle depuis des années (peu de difficultés en ça, il est vrai).
Dans des envolées plurielles de références appuyées (film de SF, mangas, thriller) Rian Johnson réalise un quasi sans faute pour son retour sur grand écran. Affublé d’un budget minime pour une telle entreprise, le réalisateur s’en sort haut la main et nous donne à voir un film intelligent et original. Là où certains placent des millions en effets spéciaux, le réalisateur séduit avant tout par une mise en scène fluide et empreintée, qui donne de puissants élans à Looper. Si le film ne séduira pas forcément les adeptes d’effets spéciaux à profusion, le film de Rian Johnson finit par convaincre du talent de metteur en scène, déjà présent des ses précédents films. Avec des moyens mineurs, Johnson déploie les effets majeurs d’un film qui fait date dans un genre qui manque souvent d’originalité. Force est de constater qu’un retour à un certain cinéma, trop absent ces derniers temps dans la manière, se déguste comme une madeleine de Proust et nous rappelle nos plus belles découvertes en salles, quand un plaisir simple de films à petit budget, nous permettait de rêver grâce au talent imprimer sur pellicule ; car nouveau et nostalgique est devenu antinomique.
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