Le scénario est simpliste quoique chargé d'incohérences. Le lien avec Prométhée est rudimentaire. Le mythe de Prométhée est bien plus riche que cela
et le sacrifice de soi final (le vaisseau habité par ses pilotes se transforme en bombe pour faire exploser le véhicule de l’ennemi), qui constitue l'événement le plus remarquable n'est pas d’inspiration grecque.
Le film se déroule non sans une certaine gradation jusqu’à son finale horrifique, prenant le suspense pour un simple délayage, une durée qu’il faut passer à attendre. Le scénario rate toutes les occasions de nous étonner par des choix à l’écart de la loi du genre.
L’auto-opération chirurgicale d’Elizabeth, summum de Grand-Guignol, est plutôt une bonne idée, mais d’autant plus délirante que l’héroïne repart à l’aventure deux minutes après, le ventre cloué d'agrafes, sans se reposer. À propos de cette scène, j’ai été un peu étonné par la poignée automatique à trois griffes qui retire du corps d'Elizabeth son parasite et qui ressemble à celles de ces machines ludiques qu’on trouve dans les fêtes foraines, avec lesquelles saisir une petite peluche ou un œuf plein de chocolats, ce qui est ridicule dans un tel contexte. Comment un poulpe aussi gros a-t-il pu être extrait d’un si petit ventre, on ne le saura pas. Comment a-t-il pu grandir et devenir énorme à la fin du film sans ingérer de matière organique, on ne le saura pas non plus. Comme dans Alien, le huitième passager passe de l'état de larve à celui d'imago par l'opération d'un abus de licence fictionnelle.
Je ne comprends pas pourquoi les spectateurs sont censés être excités d’apprendre que l’espèce humaine a été créée par un extra-terrestre. L’aventure darwinienne est un million de fois plus passionnante, je pèse mon chiffre. Est-ce que Ridley Scott a tenu à se mesurer à la théorie de l'évolution, dont le moindre élément présente plus d'intérêt que son œuvre entière ? Pour la fabrication d’un être vivant, on trouvera le mythe du golem ou l’œuvre de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne, bien plus consistants.
Ici, toutes les idées sont creuses, récupérées, jamais développées et seulement accumulées. L’appellation d’Ingénieur comme celle de l’Horloger proposé par Voltaire n’est pas mauvaise, cependant elle n’est pas justifiée, elle ne débouche pas sur des hypothèses toutes plus rocambolesques que les autres. Une réflexion scientifique aurait constitué tout le sel du film et l’aurait rééquilibré de dialogues enflammés. Mais non, le film n'a de prométhéen que le titre et quelques allusions.
En tant que chrétien, j’ai trouvé charmante l’idée que l’héroïne tienne à son pendentif en forme de croix protestante ; un peu de spiritualité dans un monde de brutes, ai-je pensé
; par contre je vois mal comment le personnage, le scénariste et le spectateur sont censés articuler la création du monde en six jours que la Bible énonce tranquillement et je ne sais quelle « création » par une race démiurge « supérieure » (et puisqu’elle est supérieure, elle est forcément méchante ??) qui a le même ADN que nous (mais si c’est le même ADN, ce sont donc des êtres humains, n’est-ce pas ?) venue du fin fond de la galaxie, d’autant plus que si les extra-terrestres nous ont créés (quid des animaux et des végétaux ??), il faut bien qu’ils aient eu leurs ancêtres primates, mammifères, reptiliens, amphibiens, poissonneux, protozoaires… et s'ils ont des hologrammes et des vaisseaux spatiaux, il faut bien qu'ils aient eu leur Mercator, leur Clément Ader, leur Edison... ce qui ne fait que repousser une question qu’on ferait bien de laisser aux scientifiques au lieu de surfer sur les idées reçues. Le Français moyen sous-estime-t-il l’inculture qui sévit chez l’Américain moyen ? Cela expliquerait pourquoi tant de films hollywoodiens ne fonctionnent pas chez nous. (Après ce morceau de bravoure politiquement incorrect, on pourra me traiter d'américanophobe, mais non répondrai-je, j’aime des tas de films venus des États-Unis !)
Un beau gâchis là encore de présenter le membre de la « race supérieure » (nous en plus grand et en plus laid) comme un sadique qui n’attend que d’être réveillé de son sommeil millénaire pour se mettre à tuer sa progéniture sans autre forme de procès. Pourquoi il ne nous aime pas, on ne le saura pas. C’est sûrement parce qu’il est plus grand et plus laid. Surtout, on passe à côté d’une belle occasion de détromper le spectateur en présentant un dialogue inter-espèce, bien plus original et intéressant que l’éternel couple peur/violence. Ah il est beau notre « ancêtre »… je préférais les Sumériens…
Et puis il y a cette manie dans les films de SF de poser comme une évidence que la planète est identique au minuscule territoire où le vaisseau se pose. Pour l’astéroïde du Petit Prince, je comprends qu’on en fasse vite le tour, mais pour une planète ? Est-ce que les aliens se seraient posés en Antarctique et en aurait conclu, découragés par l'uniformité du paysage, que la Terre est recouverte d’un désert de glace ? Est-il concevable que des scientifiques énoncent comme des certitudes de vagues observations improvisées, sans matériel, et ce sur le ton de la certitude inébranlable, propre à inspirer aux responsables les décisions les plus hâtives ? On a l'impression que ce genre de films "casse ses jouets" et ne présente l'étrange qu'au travers du danger.
Ai-je tout dit ? Bon, la respirabilité de l’air des grottes est invraisemblable (tomber pile sur l'atmosphère terrestre ?). Le lien avec le prologue où le corps de l’extra-terrestre se désagrège n’est pas expliqué. Le lien avec Prométhée n'est pas exploité…
Bref ! je n’ai pas assez de mémoire pour décrire toutes les bêtises que le film aligne sans vergogne.
Si vous aimez la SF, évitez. Si vous aimez l’horreur, c’est à voir, car les images sont plutôt convaincantes. C’est souvent le seul point fort de ces productions.