Grandiose. « Grandiose » est le seul mot que j’ai pu prononcer en sortant de la séance de « Cloud Atlas ». C’est la claque que je n’ai pas vu venir. D’abord une claque technique car tout, absolument tout, est maîtrisé de A à Z. Les Wachowski et Tykwer ont un véritable sens de la narration. Certains de leurs collègues peinent à nous intéresser à une histoire et eux arrivent à faire vivre, à la fois indépendamment et à la fois en parfaite cohabitation, six histoires différentes. De plus, le montage est extrêmement précis et fait vivre ces histoires d’une façon extraordinaire. Alors qu’un téléphone sonne dans une époque, le plan suivant contient une personne qui décroche un téléphone dans une autre époque, et c’est comme cela durant tout le film ! Les histoires cohabitent, en plus d’un point de vue narratif, avec le montage du film. Ce même montage se révèle très malin puisque qu’il alterne les époques de façon à ce qu’à aucun moment l’on ne s’ennuie et il arrive à ne jamais nous perdre alors que le récit n’est pas le plus simple au monde. Cependant, le film mérite plusieurs visionnages pour être totalement compris. La photographie du film est encore une fois sublime, nous offrant de véritables moments d’émerveillements pour les yeux, surtout dans l’époque futuriste de 2144 où leurs génies atteignent des sommets. Là où la narration du film est très forte aussi, c’est dans sa capacité à intervertir les genres. À un moment nous sommes dans un film d’époque victorienne, puis dans un film futuriste, puis post-apocalyptique, pour revenir à une comédie … et ainsi de suite. Les Wachowski et Tykwer nous prouvent leur talent en réussissant un double exploit : celui de réaliser un film composé de genre complètement différent et celui de les faire exister ensemble.
Toutes ces époques sont liées à des personnages, non pardon, à des âmes. Les acteurs présents au casting jouent plusieurs personnages dans les différentes époques. Ces personnages n’ont pas forcément un lien de parenté, loin de là, mais sont en réalité habités par la même âme. Le film ne parle que de cela, le fait que notre âme se réincarne lorsque notre corps meurt et que nos actes passés et présents auront un impact direct sur notre futur. On est très loin de la psychologie de comptoir ou de celle trop intellectuelle, le film reste à tout moment accessible à toute personne voulant bien se creuser un minimum la cervelle. Là encore, c’est un pari réussi ! Justement, les acteurs se sont retrouvés face à un gros défi : interpréter plusieurs personnages à différentes époques, et ils s’en sortent tous très bien ! Tom Hanks et Halle Berry trouvent leur plus beau rôle depuis une décennie, Hugh Grant est excellent à contre emploi, Hugo Weaving joue toujours aussi bien les méchants (même en fille), Ben Whishaw confirme tout le bien que je pensais de lui, Jim Broadbent me fait toujours autant rire et Jim Sturgess s’impose comme une révélation ! Oui, je me suis quelque peu emporté mais ce casting m’a laissé sans voix, face à cette capacité d’acteur-caméléon. Le maquillage doit être, lui aussi, applaudit ! Les acteurs sont grimés afin de pouvoir jouer des rôles de sexes opposés ou d’âges différents et cela ne choque jamais. Le maquillage va même jusqu’à nous avoir complètement au point d’être dans l’incapacité de reconnaître l’acteur ou l’actrice.
En plus de réaliser une partie du film, Tom Tykwer signe, avec Johnny Klimek et Reinhold Heil, la musique de « Cloud Atlas », qui est à l’image du film : un vrai bijou ! Impossible de se défaire des notes du sextet portant le nom du film, crée par le personnage Robert Frobisher et joué par Ben Whishaw, après la séance. La musique résonne dans ma tête encore … et encore. Je ne m’attarde pas sur l’histoire et les différents rebondissements, de peur de vous perdre et de vous faire perdre la surprise lors du visionnage, mais sachez juste que le rythme du film est extrêmement soutenu et que même si vous n’allez pas tout comprendre au début, tout ceci va s’éclairer peu à peu. Pendant deux heures et cinquante minutes, l’ennui ne m’a pas gagné une seule fois. Nous pourrons nous vanter, dans quelques années, d’avoir été voir ce chef-d’œuvre au cinéma.
Les Wachowski, aidé de Tykwer, nous livre leur film le plus abouti et psychologique. On ne dira plus « les réalisateurs de Matrix » mais « les réalisateurs de Cloud Atlas ».