C'est bien trop facile de dézinguer Suicide Squad, mais la plupart des gens de ce camp oublie à quoi ils ont affaire. La critique d'un film doit être à l'échelle de ce qu'on est en droit d'espérer de celui-ci.
Ici on est en face d'une mega-production de l'univers DC Comics ancré dans une série de films amorcé par "Man of Steel" en 2013. Je ne dénigre pas ce genre de production, au contraire je m'y rend à chaque fois et je les apprécie, mais on n'attend jamais un chef-d'oeuvre, il faut être clair. Il faut mesurer ses attentes et tant pis pour ceux qui ne comprennent pas ça. C'est toujours très agaçant d'entendre parler pendant des mois et des mois d'un film tout en sachant que quoi qu'il arrive une portion d'individus a déjà son idée sur le film.
En réalité Suicide Squad est convaincant. Génial ? Non il ne l'est pas. Naze ? Non plus. Il y a des lacunes, comme un manque de profondeur des personnages, que l'on essaye de combler à coup de flash-back qui en feront bondir plus d'un.
En ce qui concerne le Joker, effectivement il n'existe pas mais on comprend vite pourquoi il est là. Il sert simplement à mieux connaitre le personnage d'Harley Quinn campée par Margot Robbie. Certains diront qu'encore une fois "le personnage féminin n'existe que par le biais du personnage masculin et blah blah". À ceux-là je demande : et si elle n'existait pas plutôt à travers l'amour qu'ELLE ressent pour un homme ? Ou alors je retourne la remarque pour montrer à quel point elle est ridicule : et si Deadshot (Will Smith), lui aussi, n'existait qu'à travers un personnage féminin : sa fille, puisqu'après tout il fait tout pour elle. Naaaaan les gars (et les filles), vous cherchez la bête et vous aimez ça. Quand vous voulez être bien pensant, vous devenez mal intentionné.
Le scénario ne tient pas à grand chose comme d'habitude. Une méchante débarque de nulle part (ou presque) avec de mauvaises intentions. Bouh. Mais attendez un peu, quelque chose d'assez intéressant se dégage de cette menace. Même si Hollywood a l'habitude de présenter les choses de manière aussi simple et direct qu'une droite plongeante de Mike Tyson, à la manière d'un "avant ils nous vénéraient, maintenant ils vénèrent des machines", il se cache souvent des réflexions profondes.
En effet, si les thèmes abordés sont la plupart du temps très manichéens et donc aussi élevés philosophiquement qu'un roman de Marc Lévy, il y a tout de même des choses intéressantes dans Suicide Squad. On nous montre par exemple à quel point les erreurs de gestion des hauts placés de notre société peuvent avoir des conséquences immondes, comme l'émergence de groupe terroriste ( c'est d'actualité pas vrai ?). Cela pourrait paraitre banal et assez bas de plafond, mais n'est-ce pas important à notre ère que des films aussi largement vu véhiculent des discours clairvoyants sur notre civilisation qui vise à diaboliser le mal sans chercher, la plupart du temps, à comprendre d'où il vient.
Enfin je ne peux pas m'empêcher de parler de "Deadpool". On le sait il y a des camps, les pro-DC et les pro-Marvel. Le fait que ces deux films sortent la même année est assez révélateur sur l'état de la production de film de super-héros. En effet, on ne sait tout simplement plus comment innover. C'est pourquoi on sort du tiroir des personnages rebelles et grossiers. La différence entre le "Deadpool" étiqueté Marvel et le "Suicide Squad" étiqueté DC, c'est que ce premier était gratuit tandis que ce second est plus mesuré. Ne vous attendez pas à un cinéma semi-refléxif pour faire rigoler le spectateur attardé surpris qu'on s'adresse à lui directement, le film de David Ayer est plus sérieux, et même s'il revendique (faute à la stratégie marketing) son côté plus bad-ass, il est au service d'une longue intrigue DC Comics mêlant Batman, Superman, Wonderwoman et toute la Justice League. À l'inverse de l'ennemi Marvel, si je peux m'exprimer ainsi, les personnages ne sont pas juste des machines meta-humaines qui font exploser des aéroports ou des gratte-ciels, ils sont presque des gens comme nous avec des sentiments, et des idées, comme on peut le voir avec la romance entre Harley Quinn et le Joker par exemple. Là où Marvel joue sur une esthétique photoréaliste pour ancrer ses films dans l'actualité, DC joue sur un terrain plus anarchique et sombre, mais pourtant ce monde et ces personnages semblent plus proche du nôtre à travers l'écho flagrant qu'il nous fait.
En bref, si Suicide Squad a des lacunes et qu'il est loin d'être un grand film, il a tout de même des points forts. CE N'EST PAS UN RATÉ !