Le nouveau film du sulfureux et irrévérencieux Mendoza est dans la lignée de ses précédents, une réussite, audacieuse et radicale, qui ne manque pas de susciter une nouvelle fois la controverse et de percuter encore plus fort son spectateur. Mendoza continue de brasser les vices de la société philippine, dans le cas présent, il explore celui de la corruption. Son héros, Peping, jeune homme un brin idéaliste, étudiant en criminologie promis à un avenir brillant - dont il a commencé la construction avec son récent mariage - va accepter une mission dont il ignore les enjeux, et tremper dans une des affaires les plus sordides qui soient. ‘L’innocente cupidité’ d’un jeune homme en plein passage vers l’âge adulte, va révéler une noirceur complètement inattendue. L’identification spectateur/protagoniste est totale, et pour cause, son acteur fétiche, Coco Martin est presque de tous les plans. Non seulement cela, Mendoza veille minutieusement et progressivement à ce que spectateur et protagoniste ne fassent littéralement plus qu’un : happé tous 2 plus ou moins volontairement dans une aventure de laquelle ils ne sont pas avertis des enjeux et dont ils ne ressortiront pas indemne. A l’instar des grands maîtres (Hitchcock, Haneke), il se plaît à torturer le spectateur : lui imposant le temps réel, un point de vue subjectif qui fait naître le sentiment d’être un voyeur dans l’histoire, et le coince dans un entre-deux dérangeant où les limites du bien et du mal sont totalement estompées. Spectateur devient lui aussi ‘peping-tom’ de ce ‘kinatay’ dans une nuit qui commençait comme les autres et se révèle voyage jusqu’au bout de l’enfer. Esthétique sordide de circonstances, image poisseuse, granuleuse, Mendoza travaille toujours caméra au poing, sa réalisation à fleur de peau flirte encore une fois avec l’expérimental. Peut être a-t-il d’ailleurs mis le doigt sur un nouveau genre à mi-chemin entre le documentaire, l'expérimental et le polar. Novateur et profondément déconcertant.