Avis sur Tempête sur la colline

En 1951 Douglas Sirk est certes arrivé à Hollywood de son Allemagne natale mais il n'est encore qu'un obscur faiseur qui n'a pas réussi à imprimer sa marque de fabrique sur sa filmographie. Ce premier film à la Universal qui produira quelques années plus tard ses meilleurs mélos flamboyants est une adaptation théâtrale de bonne facture qui met en scène Claudette Colbert dans une partition qu'elle affectionne particulièrement dans sa deuxième partie de carrière, celui d'une nonne qui entend lutter contre les institutions et en premier lieu celle de l'Eglise afin d'innocenter une prétendue criminelle en transit dans un couvent-hôpital en raison des inondations qui ravagent le comté de Norwich. La reconstitution de qualité est magnifiée par le savoir faire du chef opérateur expérimenté, William H Daniels imposé par Claudette Colbert et le scénario d'Oscar Saul et Andrew Solt savamment agencé fait monter comme il faut la tension pour nous amener vers un suspense malgré tout quelque peu prévisible. La direction d'acteurs de Sirk est encore approximative ne sachant par moments par modérer les effets un peu appuyés d'Ann Blyth et de Claudette Colbert. On sent donc que Douglas Sirk n'est pas ncore complètement dans son élément. Plus que quelques années à attendre avant la rencontre avec Rock Hudson.

Avec "Tempête sur la colline", Douglas Sirk réalise un polar dont l'action se situe au sein d'un couvent anglais servant de refuge aux habitants d'un village inondé par les eaux. Au sein de cette petite communauté, on trouve une condamnée à mort clamant son innocence et une nonne recherchant la vérité. Passé ce synopsis fort alléchant, je dois admettre que l'intrigue ne s'avère pas aussi palpitante que promise. Si elle part en effet sur de bonnes bases, l'histoire devient prévisible et on devine rapidement les tenants et aboutissants de toute cette sombre affaire. Un tel film policier aurait gagné un surplus de suspens pour le rendre incroyable. Aux premeirs abords, on pourrait même penser à du Hitchcock. Si le mystère n'est pas le point fort de Douglas Sirk, ce dernier réussit cependant à instaurer une atmosphère sombre et tendue, que vient souligner sa maîtrise dans la réalisation. A défaut d'être remarquable, "Tempête sur la colline" n'en demeure pas moins passionnant à visionner.

Une surprise totale que ce Douglas Sirk à la sauce Hitchcock, plus vrai que nature, qui nous livre une intrigue alléchante et, dans une parfaite unité de lieu et de temps, une passionnante enquête policière à huis clos. L’interprétation, très homogène, est tout de même dominée par une Claudette Colbert étonnante et dans un de ses meilleurs rôles. Il est intéressant de constater que le style de Sirk n’est pas du tout celui qu’on lui connaîtra plus tard dans ses fameux « mélos flamboyants ». Une vraie réussite qui fait se demander si l’auteur n’aurait pas dû continuer encore un peu plus dans cette voie…

Au premier abord, ce huis clos fait plus penser à Alfred Hitchcock qu'à Douglas Sirk, plus connu pour ses mélodrames flamboyants en Technicolor. Mais le réalisateur allemand s'en sort très bien utilisant avec talent l'élégance habituelle de sa réalisation et imposant un rythme quasi-impeccable. Mais le film a un gros point faible : la prévisibilité de son intrigue. Si on ne peut que reconnaître le fait que le film se passe dans un couvent soit original, l'intrigue est loin de briller par son suspense étouffant. On dévine dès le début les divers rebondissements et le nom du véritable assassin est loin d'être surprenant. C'est d'autant plus dommage car Claudette Colbert est totalement convaincante dans le rôle d'une religieuse et puis aussi car le film est loin d'être ennuyeux.

Sans doute l'un des meilleurs films de Douglas Sirk, inspiré par une Claudette Colbert tout simplement géniale dans le rôle de nonne. L'image est superbe et l'intrigue bien ficelée. Un grand film.