Ce film est un objet cinématographique rare, qui se présente comme une quête initiatique, vers une Vallée mythifiée, mais sans véritable histoire, avec un jeu d'acteur décalé, comme en voix off, peu d'intrigue, une fin en queue de boudin. Sa vraie richesse est l'immersion dans la vie et la culture papoues, l'irruption de l'équipée au milieu d'un authentique festival des cultures des tribus papoues, qui sont d'une grande hétérogénéité ; ou la vie dans les villages reculés, parmi les tribus qui accueillent amicalement le tournage et se déclarent contents que le film apporte un témoignage de leur culture à l'autre bout du monde - Barbet conserve cette mise en abyme au montage, alors qu'il n'est question dans le scénario d'aucun tournage de film, aucune caméra n'y apparait : c'est le côté Connaissance du Monde qui l'emporte sur l'intrigue. Barbet ne nous épargne pas des scènes crues comme l'abattage de gros cochons à coup de massue, ch'bong sur le groin (nous faisons bien pire dans nos abattoirs occidentaux!). Ce témoignage ethnographique est filmé avec respect et délicatesse, nous permettant d'apprécier des peintures corporelles incroyables, des visages peints de multiples façons, en rouge, parfois moitié noir moitié blanc, des coiffures élaborées, des masques en terre terrifiants. Le cinéaste nous gratifie aussi de paysages époustouflants, d'ambiances de jungle parmi les chants d'oiseaux. Qui donnent lieu à de belles scènes au symbolisme appuyé : Bulle en plein trip, lovée dans les racines d'un grand arbre ; Bulle-Eve (encore en trip) s'amusant à embrasser un serpent vert trouvé dans la forêt, se le mettant en écharpe autour du cou... l'histoire ne dit pas s'il était vraiment venimeux. La musique des Pink Floyd est belle, elle fut reprise dans le disque Obscured By Clouds (la Vallée mythique n'aurait pu faire l'objet de photos aériennes car toujours cachée par de la brume) qui a connu un grand succès en France en 1972, mais elle est finalement assez peu présente dans le film, en fond, éthérée, comme la Vallée. La fin du film tombe comme un couperet (bien sûr que je ne la raconterai pas). Un signe qui donne envie de voir La Vallée est que ce film a fait l'objet de critiques acerbes et sévères, reprochant la faiblesse du scénario, du jeu d'acteurs, de l'intrigue, que sais-je. Non, ce film de Barbet n'est pas barbant (pardon), il a bien d'autres qualités et une richesse que l'on apprécie en le voyant et en le revoyant. Et finalement, il n'a pas si mal vieilli.