S’il est le film le plus acclamé du cinéma français aux Césars (il est le seul film à avoir remporté à la fois dix Césars et les cinq principaux, c’est-à dire meilleur film, meilleur scénario ou adaptation, meilleur réalisateur, meilleure acteur principal et meilleure actrice principale : seul les Césars des seconds rôles masculins et féminins lui ont échappé cette année-là) et un des plus grands succès commercial du cinéaste (plus de 3,3 millions d’entrées), Le Dernier Métro est aussi le film qui a le plus été reproché à François Truffaut par ses détracteurs. En effet, ce film est celui qui se rapproche le plus de la Qualité française que Truffaut avait tant décrié à l’époque où il était journaliste : les dialogues sont très écrits, tout est tourné en décors…
Cependant, ce long-métrage est tout de même assez personnel. Truffaut a utilisé ses souvenirs d’enfants et sa connaissance de l’histoire cinématographique pour illustrer son récit. On y retrouve ainsi les musiques de l’époque (en particulier Mon Amant de Saint-Jean) et des références à l’histoire du milieu cinématographique sous l’Occupation
(le personnage de Jean-Loup Cottins qui accepte de dîner avec Daxiat, même s’il est contre le nazisme, pour sauver son théâtre peut faire penser aux attitudes ambiguës de Sacha Guitry pendant l’Occupation qui utilisa ses relations avec l’Occupant pour protéger des auteurs juifs ; le fait que ce même Cottins soit visiblement homosexuel peut évoquer Jean Cocteau qui malgré son homosexualité fut plutôt un partisan de la Collaboration ; le fait que Bernard Grangier frappe Daxiat est une référence claire à une situation analogue qui opposa Jean Marais et le critique de Je suis partout, Alain Laubreaux, qui avait insinué qu’il ne devait son statut qu’à ses rapports avec ce même Cocteau ; l’arrestation de Cottins puis sa libération fait référence aux situations identiques qui toucha de nombreuses personnalités des milieux culturels, dont les Guitry et Cocteau suscités, suite à la victoires des Alliés…)
. L’amour de Truffaut pour le milieu du spectacle (le film devait être le second volet, après La Nuit américaine, d’une trilogie sur celui-ci qui restera inachevée suite à la mort du cinéaste) et les individus qui le font transparaît à chaque instant. Truffaut a vécu toute son existence en mélangeant le cinéma et la vie et symbolise cela dans la dernière scène en faisant débuter la séquence en utilisant un décor naturel avec des véritables acteurs apparaissant à travers les fenêtres pour le transformer discrètement après des gros plans par un décor de théâtre où les figurants visibles à l’extérieur sont devenus des peintures. En outre, on peut considérer que le film est une œuvre qui tenait véritablement à cœur au réalisateur puisqu’il réutilise la célèbre phrase de La Sirène du Mississipi disant dans les deux cas qu’aimer le personnage interprété par Catherine Deneuve était "une joie et une souffrance".
Truffaut a ainsi mis tout son cœur dans son film et livre une histoire passionnante servie par un casting brillant (Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Jean Poiret, Andréa Ferréol, Paulette Dubost, Maurice Risch, Sabine Haudepin, Richard Bohringer encore inconnu dans un petit rôle…). Ainsi, même si le film peut être considéré comme étant en contradiction avec ce que prônait le critique Truffaut, Le Dernier Métro est une œuvre sublime décrivant parfaitement la vie théâtrale pendant l’Occupation qu’il est toujours aussi plaisant de revoir encore et encore.