La note n'est pas tout à fait représentative de la balance qualités/défauts du film, si c'était le cas il dépasserait péniblement la moyenne mais puisque j'ai senti des frissons dans mon dos pendant la moitié du visionnage, difficile de lyncher le film. Commençons par le début, plein pleeeein de spoilers. J'ai comme tout le monde été doublement violé par une campagne de pub qui non seulement en dévoilait trop mais se foutait allègrement de la gueule des fans de "Breaking Bad" en nous faisant croire jusqu'au bout que Bryan Cranston porterait le film, la bonne blague. Le fait que son personnage meurt dans la première demi-heure est doublement pénalisant car 1) son personnage est de loin le plus intéressant du film ainsi que le plus haut facteur d'implication émotionnelle et 2) il passe le flambeau à Aaron Taylor-Johnson qui s'il est loin d'être "mauvais" n'a peut-être pas (encore?) les épaules nécessaires pour porter un blockbuster comme celui-ci. Et ça me fait mal de le dire mais niveau personnage on est pas gâtés: celui de Ken Watanabe ne sert pas à grand-chose, sinon à servir de commentateur et à expliciter ce qui devrait pouvoir se lire entre les lignes (en ôtant ses lunettes si possible), Sally Hawkins est une plante verte et l'intérêt de suivre Elizabeth Olsen si longtemps m'échappe encore un peu. C'est donc avec une certaine distance qu'on suit les aventures de personnages dont on se fout un petit peu, et l'on regarde avec la même distance des civils mourir puisque l'implication émotionnelle ne semble pas plus que ça toucher les personnages non plus, en dehors de leurs proches. D'autant qu'un surplus de clichés aussi bien Américains que Japonais (on ne peut au moins pas reprocher au film de se focaliser sur un seul pays) tels que mettre un gosse dans les bras du héros ou encore l'ultime regard entre le héros et Godzilla -clin d’œil au film d'Emmerich ? Ce serait la pire idée possible- rend le tout moins crédible pour un film qui se veut plus adulte que par le passé. Attention quand même, si j'ai l'air de faire ma mijaurée avec le film c'est parce que les trailers avaient mis la barre vraiment haut, et que j'en attendait énormément, et bien que je soit déçu sur plusieurs points le film a tout de même comblé pas mal de mes attentes. Déjà en ce qui concerne Godzilla, tout bêtement. S'il a tout de même l'air d'être un second rôle de son propre film (les MUTO et leur design à la "Cloverfield" occupant plus souvent l'écran), quand il est là on en a pour son argent. Chacune de ses apparitions est bluffante, on aime ou pas le parti pris du teasing d'une heure sur la ou les bêtes (parce que les MUTO et leur EMP impressionnent eux aussi) et en ce qui me concerne ça passe crème. Le réalisateur accumule les astuces pour en dévoiler ni trop ni pas assez: les bestiaux apparaissent à travers une vitre sale, dans l'image floue d'une paire de jumelles ou comme une vague forme sous la surface, c'est l'occasion d'une plâtrée de plans plus beaux les uns que les autres. On a constamment envie d'en voir plus et le film joue bien de ça. On en voit peu finalement, mais ce n'est pas un de ces films dont on ressort en se disant qu'on en a pas vu assez. Il y a donc une véritable science du dosage SAUF à deux ou trois exceptions près où le film frustre. La frustration commence dans cette scène absolument éblouissante à Honolulu lors de la première confrontation entre Godzilla et un MUTO: tout est géré comme du papier à musique, la caméra nous dévoile quelques écailles, un torse, un bras jusqu'à nous montrer Godzilla dans toute sa splendeur. Le design du kaiju est splendide, rendant hommage à celui de 54 (son cri, l'impression d'une silhouette humaine dans tout ça) tout en poussant la majesté au niveau supérieur, le combat s'annonce épique !!! Et puis cut, on est désormais à l'autre bout de la planète à filmer du quotidien. Je me rappelle avoir gueulé à haute voix à ce moment du film, surtout que celui-ci a le bon goût de nous faire (très) partiellement voir à la télé ce que l'on vient de louper, et ça a l'air bon ! Ça marchait avant et pas ici parce qu'à ce moment, on loupe véritablement quelque chose. Ce n'est plus faire courir le public après une friandise ce qui peut être marrant, c'est donner un gâteau au public mais le lui reprendre des mains avant sa première bouchée. Et ce petit malin de réalisateur renchérit plus tard en fermant lentement les portières, laissant le spectateur apprécier à quel point il a failli l'avoir, son climax. Heureusement que l'attente vaut la chandelle, car les scènes d'actions sont gérées avec la même maestria que les scènes d'exposition. On s'accroche simplement à son siège pendant toute la durée de celles-ci. Parce que le réalisateur a fait le bon choix de tout filmer d'un point de vue humain, rendant l'immersion d'autant plus forte, mais aussi parce que la 3D est pour une fois très bonne, jouant habilement sur les valeurs d'échelle. Cela donne des scènes en passe d'être culte comme celle de la pluie d'avions de chasse ou encore celle déjà bien connue du saut en parachute, qu'il s'agisse de la réalisation parfaite, de la maestria dans le dévoilement des monstres ou du putain de thème des monolithes de "2001, l'odyssée de l'espace", c'est une de ces scènes parfaites de bout en bout. Lorsque le point de vue humain est écarté, c'est heureusement tout aussi impressionnant. Le climax se fait attendre mais il en vaut la chandelle, ça tout le monde s'accorde à le dire. J'avais aussi un peu peur d'un Godzilla sauveur de l'humanité, cet égarement étant une aberration quand on connait le message du film d'origine. Au final si le thème est fatalement moins intéressant que dans le film de 1954, un Godzilla chargé de restaurer l'équilibre naturel passe étrangement bien. Sauf en ce qui concerne la fin, voir Godzilla acclamé par la foule comme un Superman c'est surtout ridicule. En bref il y aura des gens qui auront l'impression d'un film qui leur a fait des préliminaires pendant deux heures avant de leur faire l'amour pendant cinq pauvres minutes, pour moi il a le cul entre deux chaises. Ce montage fourbe est à la fois ce qui fait la force du film, mais aussi sa plus grande faiblesse lorsque le réalisateur pousse le concept trop loin jusqu'à presque oublier que si "adulte" le ton soit-il, un "Godzilla" c'est aussi des monstres qui se tapent dessus. Encore une fois, ce ajouté aux incohérences et au manque d'intérêt pour les personnages, s'il devait y avoir une note arithmétique elle ne serait pas fameuse, une chance pour le film qu'un avis n'ai pas à être objectif.