Avec son très attendu The Revenant, le talentueux réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu nous livre sans doute l’œuvre cinématographique la plus démente que nous verrons cette année au cinéma. Véritable expérience sensorielle et viscérale, visuellement et techniquement bluffant, éprouvant à la fois physiquement et psychologiquement, tout simplement grandiose, The Revenant est littéralement l’une des plus grosses claques de l’année 2016 et un futur grand monument du cinéma. On frôle le chef-d’œuvre. Dans une Amérique profondément sauvage, le trappeur Hugh Glass, après avoir subi une attaque d’indiens avec ses compagnons, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porter par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi et laissé pour mort. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption. The Revenant c’était l’un des films que j’attendais le plus de l’année 2016, peut-être même celui qui m’attirais le plus parmi mes cinq plus grosses attentes sur le plan de l’ambition cinématographique, des acteurs, de la mise en scène et du sujet abordé. Et je dois dire qu’après avoir vu le grand chef-d’œuvre 2016 de Quentin Tarantino, Les Huit Salopards, qui m’a totalement retourné et bluffé, ce nouveau film tant attendu d’Alejandro González Iñárritu ne m’a pas du tout déçu. Alors certes il ne m’a peut-être pas autant comblé que je l’espérais, rassurez-vous c’est une impression très minime du fait que je n’ai pas ressenti totalement le qualificatif « chef-d’œuvre ultime », mais ça viendra une fois que je l’aurai revu en blu-ray car The Revenant sera forcément l’un des meilleurs films que j’aurais vu de l’année, si n’est pas déjà le deuxième plus marquant que j’ai vu ! Et donc, après son très remarqué Birdman (lauréat de quatre Oscars dont Meilleur film et Meilleur réalisateur en 2015) et son exploration du monde du théâtre et de la tentative d’une ancienne star du cinéma de retrouver le succès en montant une pièce à Broadway, le brillant réalisateur qu’est Alejandro González Iñárritu revient tout juste un an après avec une œuvre cinématographique encore plus folle et démentielle, de quoi faire bouger le monde du cinéma comme jamais. Ce film c’est The Revenant ou un périple de plus de 2h30 dans une Amérique sauvage et dangereuse, aussi éprouvant physiquement pour le spectateur que pour le personnage principal interprété par Leonardo DiCaprio, un véritable voyage aux confins de la nature et de la survie humaine rythmé par des expériences sensorielles jamais vus sur grand écran à tomber par terre. En définitive, un film transcendant, techniquement bluffant et juste monumental, amené à devenir grand et qui au premier visionnage frôle déjà le chef-d’œuvre. The Revenant partait déjà sur le papier pour être une véritable claque et une œuvre déjà mémorable dans le cinéma. Le film s’inspire en effet d’une partie de la vie du trappeur Hugh Glass (véritable légende américaine aux Etats-Unis inconnue chez nous jusqu’à présent) qui, après avoir été attaqué par un ours et laissé pour mort par ses compagnons de route, entreprend un voyage dangereux dans la nature hostile de l’Amérique des pionniers afin de retrouver l’homme qui l’a abandonné dans le but de se venger. L’histoire est en somme très classique dans le fond, très romancée par Iñárritu, quasi remake du Convoi Sauvage de Richard C. Sarafian, une ambiance dans la veine du Jeremiah Johnson de Sydney Pollack avec Robert Redford, mais quand celle-ci est mise en scène par Alejandro González Iñárritu cela donne une quête vengeresse intense dans le contexte d’un survival violent, épuisant, tripal et primitif qui emporte le spectateur dans un voyage où la nature cohabite avec l’Homme, où le danger est présent à chaque seconde et où toute idée d’humanité est remplacée par un instinct animal dans le seul but de survivre. The Revenant c’est tout ça à la fois et dans une lenteur magnifique et parfois très méta (les scènes de rêves font penser à Gladiator ou à du Sergio Leone), ce qui confère au film une ambiance d’immersion totale qui prend le spectateur à la gorge et aux tripes. Et parfois, le film explose dans des moments de tension et de violence déments (mais jamais dans la surenchère avec des morts et du sang à la pelle, et c’est à ça qu’on reconnaît un grand film d’auteur qui n’est pas un gros blockbuster calibré) avec notamment en point d’orgue une attaque de grizzli si réaliste et effrayante qu’elle en est déjà d’anthologie jusqu’à l’affrontement final totalement bestial entre Leonardo DiCaprio et Tom Hardy. Ensuite, The Revenant est en plus d’une expérience cinématographique unique à vivre au moins une fois au cinéma, un véritable tour de force technique bluffant signé d’une main de maître par Iñárritu puisque le réalisateur, ainsi que son directeur de la photographie Emmanuel Lubezki, ont décidé de tourner ce long-métrage entièrement en lumière naturelle afin d’accentuer le réalisme du film ! Initialement prévu pour 80 jours, le tournage de The Revenant durera neuf longs mois pour aboutir à ce résultat que nous avons aujourd’hui dans les salles obscures. Et ce résultat est bien évidement dantesque, les paysages grandioses de cette Amérique sauvage d’avant la conquête de l’Ouest sont d’une beauté à couper le souffle, le film est immensément grand avec ses toundras enneigées, ses lacs gelés, sa nature en pleine liberté,… Bref l’ambition d’Iñárritu/Lubezki est totale sur ce film et le spectateur le sent puisqu’on est tout de suite embarqué dans cette aventure et cette quête vengeresse menée par Hugh Glass. L’homme contre la nature comme jamais. Mais ce qui frappe encore plus c’est la volonté du réalisateur de filmer dans des endroits où il est très difficile d’y emmener des caméras et une équipe que ce soit les forêts boisées, les montagnes, les rapides et le tout souvent en plans séquences, une des spécialités d’Alejandro González Iñárritu qui livre des scènes tout simplement démentielles, notamment l’ouverture du film avec la fameuse attaque d’indiens où grâce au plan séquence, le réalisateur entraîne les spectateurs au cœur de l’horreur où personne ne voit venir la menace, les morts tombent sous nos yeux, les flèches fusent, la caméra tourne sans jamais révéler d’où vienne les ennemis, les trappeurs sont perdus, la violence et la tension s’installent pour ne plus jamais nous lâcher. Le réalisateur a donc totalement réussis son pari de livrer une grande expérience sensorielle grâce au plan séquence qui nous permet d’être avec les personnages et surtout au cœur de l’action avec ce mouvement constant de la caméra. Mais aussi il est difficile de passer à côté de la bande-originale vraiment somptueuse signée Ryuichi Sakamato et Carsten Nicolai qui ajoute un plus à l’ambiance froide, dramatique et intense de ce western pas comme les autres qui se vit comme une véritable épreuve physique. Et en effet si nous vivons aussi bien ce film c’est bien grâce au jeu plus qu’impressionnant de Leonardo DiCaprio qui éclipse le reste du casting, qui reste par ailleurs très bon avec notamment un Tom Hardy parfait dans son personnage brutal, manipulateur et menteur de John Fitzgerald. Mais le film reste entièrement porté, de bout en bout et pendant plus de 2h30, par un immense Leonardo DiCaprio qui livre une fois de plus une prestation monstrueuse digne de son indéniable talent d’acteur. Avec The Revenant l’acteur y trouve dans le personnage de Hugh Glass son rôle le plus physique de sa carrière. Totalement habité par son personnage, Leonardo DiCaprio multiplie les scènes toutes plus impressionnantes les unes que les autres que ce soit la scène de l’attaque de l’ours, celles où il mange du foie de bison cru, où il dort dans une carcasse de cheval après l’avoir dépecé ou encore son affrontement final face à Tom Hardy. L’acteur parle très peu dans ce film, la plupart de ses paroles sont en langue indienne en plus, et il s’intéresse plutôt à développer et à utiliser l’expression de son visage pour transmettre sa souffrance et ses émotions au spectateur. Le regard qu’il possède pendant tout le film, ce regard animé de rage, ce regard dur qui a traversé des épreuves, ce regard déchiré par la mort, c’est le regard d’un grand acteur, un acteur qui possède un charisme et une prestance indéniable, un monstre sacré du Septième Art, une vraie gueule de cinéma. Avec ce grand western sauvage, Leonardo DiCaprio a repoussé les limites physiques du jeu d’acteur en faisant pour de vrai ce qu’il fait dans le film, d’où ce réalisme bluffant qui nous emporte. Hugh Glass est indéniablement l’un des plus grands rôles de sa fascinante carrière qui depuis quelques années multiplie les performances les plus folles : flic schizophrène, extracteur hors-la-loi du subconscient, esclavagiste sadique, trader déjanté décadent et maintenant trappeur qui tente de survivre dans une Amérique primitive. Avec ce rôle Leonardo DiCaprio confirme son talent pour les personnages qui parlent peu mais aussi pour les rôles purement physiques et expressifs. Finalement je me rends compte que les acteurs ne sont jamais aussi bons que lorsqu’ils livrent des performances quasi-muettes tels que Ryan Gosling dans Drive, Jean Dujardin dans The Artist ou encore Arnold Schwarzenegger dans Terminator. Nous pouvons désormais ajouter à cette liste, qui peut se compléter bien évidemment, l’immense Leonardo DiCaprio qui livre ici une prestation d’anthologie. The Revenant est donc un film impressionnant signé Alejandro González Iñárritu, un vrai choc cinématographique qui prend la relève du choc Mad Max : Fury Road vu en 2015, et certains ne s’en sont toujours pas remis. Western sauvage, froid, violent et réaliste, donc pas vraiment tout public, The Revenant est déjà un grand succès avec plus de 170 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis pour un budget de 135 millions très bien remboursé et cumule plus de 404 millions de dollars de recettes dans le monde. Et enfin, actualité cinématographique oblige, lors de la 88ème cérémonie des Oscars à Los Angeles The Revenant fut l’un des grands gagnants de la soirée car récompensé de trois Oscars prestigieux : Meilleur réalisateur pour Alejandro González Iñárritu qui rafle deux fois de suite la précieuse statuette, Meilleur acteur pour Leonardo DiCaprio qui est ENFIN sacré à l’âge de 41 ans par l’Académie qui met fin à sa malédiction après cinq nominations et enfin Meilleure photographie pour Emmanuel Lubezki qui rafle sa troisième statuette de suite après celle pour Gravity et pour Birdman. Trois Oscars amplement mérités qui récompensent finalement ce que j’ai vraiment apprécié dans ce film ! Bref, pour conclure sur The Revenant, il s’agit d’un des meilleurs films de l’année 2016, un film tout bonnement incroyable sur le plan de la technique, de la photographie, de la mise en scène, de l’ambiance, de la musique et de son jeu d’acteur, un film amené à devenir au fil du temps un grand chef-d’œuvre,… s’il ne l’est pas déjà.