Tout a déjà été dit sur cette œuvre incroyable. Mais permettez-moi d’apporter tout de même ma modeste contribution à ce flot de commentaires dithyrambiques. Il y a des groupes, comme ça, qui laissent une trace indélébile dans l’histoire de la musique et dans le cœur des gens. Tant et si grand que leur musique continue à vivre des dizaines et des dizaines d’années plus tard, sans que les titres ne prennent vraiment une ride. D’autant que la durabilité de ces groupes est exemplaire, tout simplement parce qu’ils ont su protéger leur marque de fabrique, leur créativité, se prémunir (quelquefois tant bien que mal) des vautours, s’entourer de gens valables, sans oublier de communiquer entre eux, même si (on s’en doute) il y a dû y avoir quelques bons coups de gueule, comme dans tout groupe très lié que ce soit par la musique ou que ce soit amicalement, voire même familialement. C’est le cas de Queen et surtout de son leader Freddie Mercury, inscrits à jamais dans la postérité. Je dis « surtout de son leader » parce que Freddie était une bête de scène comme il nous est donné rarement l’occasion d’en rencontrer. Et puis il est certain que sa mort prématurée, conséquence malheureuse d’une vie croquée par tous les bouts de chandelles, a contribué à grandir le mythe. Et puis il y a le fait que leurs compositions prenaient à contre-pied les souhaits des managers plus sensibles à l’état de leur portefeuille qu’à l’identité de leurs poulains. Dans le cas qui nous intéresse ici, un certain nombre d’entre eux le regretteront amèrement… Aussi le fait de porter à l’écran ce groupe désormais légendaire paraissait hautement risqué, d’autant que le droit à l’erreur était strictement interdit. Ben tiens, il n’y a qu’à voir les énormes foules qui se déplaçaient pour former une véritable marée humaine et entrer en communion avec leurs idoles. Et ma foi, Bryan Singer a livré une œuvre saluée par tous (ou presque). Je dois dire que c’est mérité. Les 2h15 passent à la vitesse de l’éclair. Car au cours de ces 135 minutes, on va connaître de l’émotion, on va vibrer, avoir le frisson, et même battre le rythme tantôt avec les pieds, tantôt avec la tête, voire même carrément les deux. On aura même du mal à se retenir de ne pas rentrer dans la partie en battant des mains sur « We will rock you », pour le coup balancé sur une bande son énorme. On constatera même des transitions musicales par le biais des animaux
(chat, poule…
) : du génie ! Un génie à la hauteur de ces quatre garçons, tous auteurs, compositeurs et interprètes. Un génie à la hauteur de ces acteurs, tous assez ressemblants aux quatre membres du groupe (sauf Freddie à ses débuts). En dehors de ces transitions, la réalisation est assez classique. On déplorera (ou pas) l’impasse faite sur les derniers jours du chanteur. Moi je pense simplement que c’est par pudeur, et si c’est réellement ça, je dirai que cette sorte de respect par rapport au combat perdu d’avance contre la maladie est assez bien vu. On critiquera aussi (ou pas) le fait que la toxicomanie ait été seulement survolée. Certes le film évoque cet aspect toujours plus ou moins problématique à aborder quand il s’agit d’une star. Problématique parce que le risque est que la personne visée en ressorte salie en héritant d’une mauvaise image. Alors pourquoi en parler davantage ? D’autant qu’on connait le sujet, et que la drogue n’a pas provoqué la déchéance de l’artiste, bien que cela a bien failli arriver quand même. Sans compter que cela aurait rallongé inutilement le film. Le fait est qu’au milieu de toutes ces figures emblématiques formées par le quatuor, il paraît difficile de se faire une place. Malgré tout, certains tirent bien leur épingle du jeu, notamment la très jolie Lucy Boynton qui parvient à amener beaucoup de tendresse à travers les traits de Mary, ce qui la rend immensément attachante. Evidemment, la palme de l’interprétation ira à Rami Malek. Grâce au jeu d’acteur incroyable qui rend bien compte du travail énorme effectué pour reprendre les gesticulations du chanteur, Freddie Mercury s’est payé une belle pige de plus à travers l’acteur. Aussi j’ai envie de dire que non, Freddie Mercury n’est pas mort. Freddie Mercury is not dead. And, « The show must go on ». C’est ce que voulait l’artiste. Et effectivement, grâce au scénariste Anthony McCarten, le réalisateur Bryan Singer et les comédiens (Rami Malek en tête), le show continue. Ainsi soit-il. Dans tous les cas, au gré de tous les titres les plus emblématiques du groupe, on a là une belle leçon de vie, une belle leçon de courage, d’obstination, de foi et… d’humilité. Je ne vous en dis pas plus, il ne vous reste plus qu’à voir ça de plus près, de préférence avec une bonne acoustique (7.1 étant le minimum syndical). "Bohemian Rhapsody" n’est pas seulement un hommage à Freddie Mercury et à son groupe, c’est un régal pour les amoureux du jeu d'acteur et un régal pour les oreilles. Après, un léger doute plane sur la véritable chronologie des faits, mais seuls ceux qui ont suivi le groupe (les plus grands fans, les proches…) peuvent en parler. Qu’importe, on se régale et c’est là le principal. Un grand merci pour cette idée lumineuse (que nous devons au scénariste sus-cité et à Peter Morgan), récompensée par une totale réussite.