Only lovers left alive...Dernière livraison de Jim Jarmusch. Le pitch ? Difficile ! Une histoire de vampires sans meurtre, sans proie, sans morsure. Egalement une histoire d’amour ou d’affection, d’attachement plutôt, presque platonique. Lui est à Detroit, ville symbole du capitalisme, aujourd’hui ville fantôme mise à sac par la crise, musicien de son état, inaccessible, mystérieux, un peu dépressif aussi. Elle à Tanger, ville mythique, où l’on ne sait d’ailleurs pas trop pourquoi elle a échoué. Nous ne saurons pas non plus ce qu’elle y fait, peu importe. Mais le couple va finir par se réunir.
Chez Jarmush, les vampires ont bien changé, même s’ils ont conservé leurs fondamentaux : ils ne chassent plus, ne tuent plus, ne «convertissent» plus les humains, mais s’approvisionnent en sang comme le feraient des toxicos en manque. Ils ont des réseaux, des exigences qui rappellent celles des anorexiques, des végétariens, ou des autres tordus qui s’infligent des contraintes alimentaires. Ils appellent les humains les «zombies», ont la vision du XXIème siècle la plus pessimiste possible, et remettent en première ligne le «no futur» des punks d’autrefois. On philosophe, on se remémore les grandes figures de la littérature, Byron, Marlowe, Shakespeare, on boit le meilleur sang comme le meilleur vin, on est immortel, et parfois on trouve le temps long.
C’est un film magnifique esthétiquement parlant, où tout se passe évidement la nuit. Tanger est filmé comme jamais, c’est splendide. On pourra reprocher un rythme lent qui m’a charmé et placé dans un cocon. J’ai adoré le fait que Jarmusch fasse de ses vampires des icones sorties tout droit de l’univers du rock, maniaco-dépressives, angoissées, et finalement pas si éloignées de ceux qu’ils nomment zombies. On est très loin de «True Blood», de Dracula ou des «Prédateurs». Il y a souvent des pointes d’humour discrètes, mais suffisantes pour décocher des sourires inattendus, une vraie intelligence de mise en scène, un casting formidable, une histoire originale, vous l’avez compris, je recommande, même si ce n’est pas le film de l’année.