Avis sur L'Attente des femmes

En attendant leur mari respectif, quatre femmes vont raconter des anecdotes à propos de leur vie de couple. Et le problème du film est là : tout ce qui est raconté relève de l'anecdotique, il s'apparente alors à un interminable réveillon où l'on ne connaîtrait aucun des convives.

Bergman signe un film sur les femmes et sur le couple, ou plutôt un film sur le couple du point de vue des femmes. Les quatre récits qui se succèdent sont une observation très minutieuse de la vie conjugale, avec ses aveux, ses rêves sentimentaux et ses espoirs, une manière aussi de montrer la perte des illusions au fil des générations. Le film ne se contente pas de dresser une simple liste d'exemples conjugaux mais tisse des liens et crée des contrastes entre les récits : l'érotisme de la baignade estivale de la première histoire fait ainsi écho au désir sexuel dans la deuxième, non loin de basculer dans un onirisme fantastique. Cette manière de mêler la chaleur naturelle à celle des sentiments se retrouve aussi dans le dernier segment du film, qui finit sur une note ouverte et optimiste en montrant une jeunesse qui croit en son avenir. Et si le troisième segment semble à première vue anecdotique (un homme et une femme coincés dans un ascenseur où les vérités éclatent) car traité de façon comique, il symboliserait la dernière étape d'un couple qui serait, au fil des quatre histoires, finalement le même mais perçu selon les différentes périodes de son existence. Film libre dans les durées irrégulières de ses quatre histoires et d'une grande maturité dans son étude du couple, "L'attente des femmes" impressionne par la maîtrise tranquille d'une mise en scène qui sait astucieusement se distancier de son sujet.

Une comédie "post romantique" dans laquelle Bergman développe ses idées habituelles sur un ton léger. Deux points ressortes particulièrements, la modernité de l'ensemble et la qualité des acteurs.

Un Bergman méconnu et pourtant l'un des plus attachants. Ces trois histoires de femmes annoncent ses récits modernes. Le premier récit est une ébauche du cinéma moderne de l'incommunicabilité, le second décrit une insolite rencontre entre Suédois à Paris, le troisième montre une veine comique peu connue chez les cinéaste. Il s'agit aussi de trois beaux portraits magistralement campés par Maj-Brit Nillson, Anita Björk et Eva Dahlbeck.

Ce qui est bien avec les films d'Ingmar Bergman, en particulier ceux des années 50, c'est qu'avec les actrices que l'on voit défiler sur l'écran on accepterait sans problème d'être transféré à Saxtorpsskogen. Mais pour en revenir au film, disons qu'il est intéressant mais un peu bancal. Il y a 4 femmes donc normalement 4 histoires. Le fait qu'il n'y a pas au final de quatrième histoire donne l'impression de voir Ingmar Bergman montrant le cadran de sa montre et disant "Hop, hop, hop, on a pas le temps. Rangez le matériel, le tournage est fini, on se casse!". Comme Mankiewicz avant qu'il tourne "Chaînes conjugales", auquel ce film fait inévitablement penser, Bergman aurait mieux d'éjecter la quatrième femme et de n'en mettre que trois. Mais pour en revenir au trois histoires (je sens que je vais écrire la plus longue critique de ma carrière!!!), la première manque sérieusement de consistance mais permet de voir la superbe actrice du chef d'oeuvre méconnu "Mademoiselle Julie", Anita Björk, en maillot de bain (oui, bon je sais...!!!) et d'entendre une réplique étincelante qui fleure bon l'optimiste "Le pire n’est pas d’être trompé, mais d’être seul. Je ne sais pas si c’est vrai, mais ça sonne bien". La seconde, la partie la plus longue, est intéressante par son thème et son traitement (style Eisenstein lors de la scène du cabaret!!!) même si les motivations des personnages sont parfois un peu trop inexplicables. A noter quelques extérieurs à Paris, étonnant quand on sait que l'autre n'était pas trop du genre à quitter son île comme feu mon chat tendrement aimé son cageot. La troisième, on est en pleine comédie à la Guitry. Difficile de ne pas trouver plaisir à cela même si la fin ramène durement à la réalité. Et puis, chose que ne fera que confirmer par la suite "Une Leçon d'amour", le couple formé par Eva Dahlbeck et Gunnar Björnstrand fonctionne à mort. Trois portraits de couple pas franchement optimistes, un peu inégaux (enfin surtout le premier et un peu pour le second!!!) mais de très grands moments bergmaniens avec une conclusion remarquable. (ah non, perdu...!!!)

Malgré un premier segment moins prenant et moins fluide, ces récits féminin(iste)s de moments charnières d'histoires sentimentales soulignent à nouveau la justesse de vue d'Ingmar Bergman dont les portraits d'amoureuses se révèlent pertinents et nuancés. Tour à tour fortes, sensibles ou pragmatiques, ces héroïnes incarnent les différents facettes d'une même quête sentimentale, à des âges et des attentes divers. Tandis que le second souvenir se teinte d'une poésie aux accents fantastiques, la dernière partie alterne entre comique burlesque et satire cynique. En dépit d'une lucidité quelque peu désabusée, l'espoir d'unions sincères l'emporte, offrant un élan ultime souriant. De bien signifiantes anecdotes!

Certainement l'un des films parmi les plus injustement méconnus de Bergman. Dans cette œuvre de jeunesse réalisée en 1952, le géant suédois livre une nouvelle ode aux femmes, en présentant les parcours de trois d'entre elles, prises dans leurs interactions sentimentales. Constitué de flashbacks, "L'Attente des Femmes" dévoile encore l'extraordinaire finesse d'esprit du cinéaste, dans un cycle de vies s'avérant à la fois cynique, tragique et drôle. Tour à tour, on doute avec Rachel, pleure devant les désillusions de Marta ou éclate de rire durant la scène de l'ascenseur où se trouvent coincés Karin et Frédérik. Enfin on espère pour les projections de Maj. Prises sous l'angle de la douceur, ces histoires sont habillées d'une mise en scène resplendissante mais là encore, déconcertante de simplicité. Une œuvre d'une grande élégance à réhabiliter.

Comédie de mœurs sur des couples qui essaient de ne pas se désunir malgré les difficultés qu'ils rencontrent, "L'attente des femmes" est une curiosité cinématographique: ce Bergman peu connu relate en effet de façon assez nouvelle de la vision que les femmes ont du couple amoureux. Le film est le plus souvent assez profond, bien pensé et en même temps plein d'humour, et visuellement il est magnifique, ce qui n'est évidemment pas pour déplaire. Dans sa poésie et sa tendresse, c'est presque une petite merveille. Mais l'ensemble est parfois presque trop gentil, le traitement des personnages manque de cruauté, de véritable lucidité. Disons que c'est un film plaisant, pas plus.

Sans doute pas le meilleur film de Bergman au niveau de la profondeur des personnages, mais une réflexion pertinente sur la vie de couple. L'amour triomphe de tout, même si sur son chemin il croise diverses désillusions. Un long métrage humain, teinté à la fois de légèreté et d'une certaine gravité.

Le prototype parfait du film dit "intellectuel"; Bergman met l'accent sur notre besoin de dominer à tout prix & examine l'incommunicatibilité parfois bienfaisante ou dommageable par ces scènes révélatrices - notamment celle tout à fait grotesque de ces jeunes couples voulant singer à tout prix les habitudes bourgeoises de leurs aînés -: selon son habitude l'auteur fait l'éloge de l'individualisme, à l'aide d'une arrogance sinon d'une originalité souvent bienvenue.