Après un Totoro qui vole, une sorcière qui vole, un cochon qui vole, un château qui vole, Miyazaki nous offre cette année des avions qui volent. Cette rapide comparaison avec ses films précédents illustre d’une part la monomanie préoccupante du réalisateur pour les choses/êtres qui volent, mais elle montre surtout que le noyau dur de ce nouveau film est moins imaginatif que les précédents. Qu’à cela ne tienne, les incursions dans les rêves du héros, jonchés d’avions (hélas, encore une fois), de personnages étranges et même de femmes regorgeant de générosité, nous permet de satisfaire notre soif de fantastique miyazakien. Le grand point fort du film réside dans son visuel, absolument époustouflant. On lit parfois « oh nan mais attend, c’est mal dessiné, en mode trop naze quoi », mais, sans vouloir en rajouter, d’aucuns disent que Picasso, ben finalement, il sait pas dessiner. Mais plus que le trait, c’est bien l’animation qui laisse sur le cul : les scènes de foule de la première demi-heure sont absolument passionnantes, et transcrivent avec pantagruélisme l’ambiance des mauvais jours pré-2e guerre mondial au Japon (ce qui n’était pas mission facile).
La structure narrative est beaucoup moins réjouissante. Seul point positif : pour une fois, on met en scène l’histoire d’un nerd (grosses lunettes-loupe, trench-coat rose) chiant mais serviable, absorbé par une passion si forte qu’elle contribuera à détruire sa vie… et celle de millions d’autres. Le côté anti-héros du personnage principal amplifie la mélancolie de son histoire, qui se fragmente en deux branches : les avions, et l’amour. La partie « avions » est certes intelligemment replacée dans un contexte historique constamment présent en toile de fond, mais on ne peut s’empêcher de se lasser devant ces innombrables essais, discussions techniques, crashes, et autres réparations. On s’en fout royalement, et les deux heures du film paraissent vingt.
Cela nuit considérablement à la branche « amour » du scénario : cette romance est charmante, poétique, bourrée de notions peut-être un peu bateau mais qui alimentent largement son potentiel émotionnel (la destinée, le renoncement du corps, etc). Hélas, comme on nous gave de crash-tests ratés d’avions et d’explications techniques sur des amortisseurs, notre prédisposition aux charmantes histoires d’amour poétiques s’estompe. On finit par trouver sa femme cruche, et on passe notre temps à se laisser parasiter par des questions complètement connes (
Comment est-ce qu’il a pu tomber amoureux d’une gamine de 8 ans ? Ce serait pas dégueulasse ça ? Pourquoi ce batard accepte-t-il de fumer à côté d’elle alors qu’elle a la tuberculose ?
). Heureusement, l’infinie tristesse de l’histoire reprend le dessus dans la dernière demi-heure, et nous laisse enfin nous émouvoir, de cette vie gâchée par une passion trop dévorante.