"Le vent se lève, il faut tenter de vivre". C’est sur ces vers du Cimetière Marin, que s’ouvre et se ferme le dernier film de Miyazaki. Pour son film le moins emprunt de magie au sens propre du terme, mais ô combien fantastique de par son ambiance à la fois adulte et enfantine, Hayao Miyazaki, grâce à cette immersion perpétuelle dans la création et la perception onirique des choses qu’elle fait jaillir, soulève un vent d’émotions très différentes de celles auxquelles il nous habitué.
En s’éloignant de l’univers de Totoro, du Voyage de Chihiro, de Nausicaä La Vallée du Vent et de ses films les plus irréels, Miyazaki n’en oublie pas pour autant toute la complexité et la justesse des sentiments qu’il insuffle dans ses films. Si ces derniers sont souvent estampillés « pour enfants », il faut les avoir vu au moins une fois pour réaliser à quel point les niveaux de lecture y sont nombreux. A quel point certains peuvent être totalement bouleversants sous une apparence d’innocence et de légèreté.
Ici, le récit est aérien, sans mauvais jeu de mot. Parfois léger, parfois lourd, tragique et profond, Le Vent se Lève marquera les enfants de par la franchise et l’humanité dont il fait preuve. Un récit qui flattera leur intelligence en bien des points, mais qui risque de déboussoler les tout petits. Le Vent se Lève n’est pas Totoro, n’est pas Porco Rosso sans tomber dans la tristesse totale du Tombeau Des Lucioles de Takahata.
L’animation est magnifique, la musique envoûtante, les personnages vibrants d’émotion et on reste subjugué devant la beauté que dégage encore une fois l’œuvre du studio Ghibli. Visuellement, narrativement, Miyazaki n’a pas son pareil pour garder ce côté léger à certains moments qui désamorce la tristesse palpable qui habite certains passages du film. Il n’a pas son pareil pour dénoncer la guerre et ses travers par le biais paradoxalement d’un de ses artisans involontaires. Jiro comme Miyazaki ne sont pas des obsédés de la guerre, mais bien des passionnés absolus. Soucieux d’arriver à la perfection dans ce qu’ils entreprennent. Possédés par leur passion, emportant tout sur leur passage.
Avec Le Vent se Lève, l’écriture des personnages atteint des sommets, l’ancrage dans le réel est fort, historique, rappelant les plus grands drames cinématographiques japonais des années 30. On vit par le biais d’ellipses subtiles, le tremblement de terre ravageur du Kanto, la violente épidémie de tuberculose, les premiers sursauts des dégâts infligés lors de l’invasion de Manchourie, la grande dépression sans pour autant se farcir une leçon d’histoire.
Une époque à laquelle le petit Hayao qui n’était alors qu’en couche culotte. Il est resté, le film le montre bien, marqué par ces années qui secouèrent le Japon avant, pendant et après les évènements de Nagasaki et Hiroshima. Et nul doute qu’il fut, déjà, obnubilé par les avions qui striaient le ciel et qui le suivront dans toutes ses œuvres. Nul doute alors, il faut pas être un génie pour le deviner, que « Le vent se lève » raconte l’histoire de son enfance, mais surtout de sa vie d’artiste. Les références y sont nombreuses, les parallèles avec sa propre vie certainement aussi, il suffit de voir le choix de Caproni, inventeur du Ca.309 Ghibli (tiens donc), comme mentor de son personnage principal pour s’en convaincre.
Il faut voir dans la vie de Jiro, celle de Miyazaki, la vie d’un homme phagocytant d’énergie, en constante spirale créative, en perpétuelle recherche de la perfection, à la quête jusqu’à épuisement du moindre détail, soucieux de la nécessité de faire de chaque élément de sa narration, du brin d’herbe qui bouge dans le vent comme du soupir retenu avant un grand saut dans le vide, les rouages parfaitement huilés, mais aussi totalement novateurs d’une mécanique narrative et d’une expression visuelle révolutionnaire.
Si le Zéro est le fruit d’un harassant travail de Kaizen, de perfectionnement perpétuel, l’animation l’est aussi si tant est que l’on souhaite la hisser au niveau auquel Hayao Miyazaki l’a élevée. Le Vent se Lève est à ce titre peut-être pas la plus représentative de ses œuvres, mais certainement l’une des plus incontournables pour compléter toutes les facettes qui dessinent l’homme derrière son travail.
"Le Vent se Lève" , le vent de la création, le vent de la nouveauté, de vent de la renaissance, de la vie ou de l’inspiration. "Le Vent se Lève" M. Miyazaki, comme disait Nausicaä à la fin du manga qui lui était consacré. Merci et que dieu vous prête vie encore longtemps.