Le vent se lève, dernier film de Hayao Miyazaki (en tout cas c’est lui qui le dit), retrace une partie de la vie de Jirô Horiskoshi, un ingénieur japonais qui a créé les tristement fameux Zero. Pour Miyazaki, ce film ressemble à un exutoire : parler du côté noir du passé de son pays, peut-être réhabiliter cet ingénieur qui ne faisait que son métier, rendre hommage à son père qui travaillait dans une usine fabriquant ces avions de guerre et peut-être, peut-être lester une partie du poids qu’il portait, lui qui est né l’année de Pearl Harbor.
J’ai beaucoup aimé, et vraiment je ne comprends pas les nombreuses critiques négatives, voire virulentes, que j’ai pu voir. Pour moi, Miyazaki a tout à fait raison d’aborder l’histoire de son pays en ne niant pas ce qu’il s’est passé. Quoi, vous pensez que les Japonais se sont fait embobiner par les méchants Allemands qu’ils ont suivis dans la Seconde Guerre Mondiale ? Pearl Harbor, c’est les Allemands ? Et en France, on était tous résistants peut-être ? Vous voyez où je veux en venir.
Jirô, le personnage principal, est un homme ordinaire qui poursuit son rêve de faire de beaux avions. Parce qu’il avait une mauvaise vue, il ne pouvait pas être pilote, alors il est devenu ingénieur. Finalement, l’utilisation faite des Zero a été monstrueuse, mais qu’est-ce qu’il y peut ? Ce n’est pas parce qu’on crée un objet utilisé ensuite à de mauvaises fins qu’on est mauvais soi-même. Il faut aussi se rappeler qu’on est dans la première moitié du XXème siècle, au Japon. Entre la culture très particulière de ce pays où l’obéissance et l’abnégation sont parmi les plus grandes qualités et le nationalisme de cette période (en Europe également, ne l’oublions pas !), il est évident que si on lui demande d’enlever les roues rétractables pour mettre des mitrailleuses à la place, Jirô Horikoshi l’a fait. J’ai appris beaucoup de choses sur le japon à cette époque.
Le sujet du film est dur, sérieux et historique mais moi j’y ai bien vu la magie de Miyazaki, avec la dualité réalité/rêve présente tout au long du film. Jirô rêve tout le temps, endormi et éveillé. Il vit souvent dans son monde à lui, à part, où il imagine ses avions, comment ils voleraient, si l’armature tiendra le coup, etc., et il y retrouve son « mentor », le comte Caproni, ingénieur italien qu’il admire depuis son enfance. Et puis cette citation française qui revient, comme une litanie ou comme une ritournelle, qui porte bien plus d'espoir que de tristesse au final. "Le vent se lève ! Il faut tenter de vivre !" En plus c'est rigolo, ils le disent vraiment en français dans la VO.
La musique est belle et douce, même si elle est en-dessous des autres compositions qu’a pu faire Joe Hisaishi. C’est aussi à mon avis la plus belle histoire d’amour que Miyazaki a mis en images. J’ai vu que des spectateurs avaient trouvé Jirô égoïste. Je n’ai pas du tout compris sa relation avec Naoko comme ça, mais je ne peux pas en dire plus sans spoiler. Là encore, il faut garder à l’esprit que la mentalité japonaise de l’époque est très particulière. C’est clairement un film d’adieu qui n’est pas pour les enfants, mais Miyazaki n’a jamais que des films pour enfants ni que des films fantastiques, en tant que réalisateur et/ou scénariste. J’ai tout de même deux défauts à pointer : le film est un tantinet trop long, je pense que 1h45 aurait mieux convenu, et il manque de repères spatio-temporels clairs, il a vraiment fallu faire un effort avec chéri pour nous y retrouver complètement.
Un film magnifique, qui a su nous toucher et nous plaire, beaucoup. Comme ce n'est pas l'un des plus joyeux de Miyazaki, il est certain que ce n'est pas celui qu'on reverra le plus souvent, mais il atterrira sans doute dans notre collection. Pour finir, un extrait du poème dont est tiré la citation qui sert de titre au film.
Paul Valéry
Le Cimetière marin (dernière strophe
Le vent se lève!... Il faut tenter de vivre!
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues! Rompez d'eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs!