C'est du théâtre filmé. Pour faire "cinéma", et cinéma "arty", c'est en noir et blanc (plutôt très réussi d'ailleurs). La célèbre comédie shakespearienne fonde l'essentiel de sa dramaturgie sur deux couples, l'un "romantique" (Claudio et Hero), l'autre, comique, en contrepoint (Benedict et Beatrice, la cousine de Hero).
C'est du théâtre classique. La seule "invention" des metteurs en scène en la matière consiste en un quasi-constant "travail" anachronique, consistant à faire jouer les comédiens en costumes, et dans des lieux contemporains, pour déclamer des textes très datés de préférence. Joss Whedon (Mr "The Avengers") embraye le pas de ces "adaptateurs", qui se croient "inspirés", et ne sont que suivistes les uns des autres, et tous plus ridicules les uns que les autres ! Il existe, pour la scène, une version de "l'Avare" de Molière, où les personnages sont remplacés par des robinets, et l'or d'Harpagon par, logiquement, de l'eau (la plupart des personnages secondaires de la pièce passant d'ailleurs à la trappe). L'Américain ne va aussi loin dans le grotesque, mais situe l'intrigue élisabéthaine dans une banlieue verdoyante (qui pourrait être en Nouvelle-Angleterre), de nos jours, et dans une grande maison (qui pourrait appartenir à quelque mafieux - après tout, il y a des "Don" dans le texte de 1600).
Les acteurs s'appellent (sans rire) "Monseigneur", "Prince", "Comte", "votre Grâce".... On parle faits d'arme (avec armures), duels à l'épée... Le noeud de la pièce est la virginité des filles - qu'à cela ne tienne, on ne change rien, et si la "jouvencelle" n° 1, Hero, alias Jillian Morgese peut (en marchant vite) "faire la farce", la n° 2, Beatrice, est incarnée par une actrice de 37 ans, Amy Acker - et cela se voit !
En voulant "dépoussiérer", on empoussière tout au contraire sous le ridicule. On ne goûte pas le texte, mais on recense les béances/décor et costumes (et moeurs - coucheries à l'écran quand la réplique vise une simple entrevue ; Conrad, un des hommes du félon Don Juan en travesti..).
Si la transposition était nécessaire (parce que idée principale - et en fait unique), sachant que l'action est à Messine, il fallait transposer dans la Sicile du 19 ème siècle, où la noblesse (bien que déclinante) jetait des éclats très remarquables encore. Ce ne sont pas les palais somptueux qui manquent sur l'île, qui auraient permis une superbe scénographie. Et à cette époque-là, la "fleur" et l'honneur des filles étaient d'une totale actualité. Faire en somme comme Kenneth Branagh (en 1993) et respecter, et la lettre, et le sens de la comédie de Shakespeare !
Au positif de ce ratage prétentieux (le vrai "Beaucoup de bruit pour rien" !) : Nathan Fillion ("Castle"), qui assure seul le registre comique (en deus ex machina balourd, "Dogberry"), registre très présent dans la pièce, mais quasiment gommé ici. Et la belle photo NB (déjà signalée).