Avis sur Pruncul, petrolul si Ardelenii

Pruncul, petrolui si Ardelenii est un western roumain très très peu connu chez nous, datant en plus de l’ère Ceausescu, mais qui garde une vraie réputation dans son pays, a fortiori parce que c’est là une partie d’une trilogie qui suit les aventures d’une famille roumaine dans l’Ouest américain.
Une curiosité donc, et une bonne surprise en fait ! Pas exceptionnel, mais ce film a des atouts à faire valoir ! Le premier d’entre eux c’est le travail visuel. Paysages grandioses qui n’ont rien à envier aux westerns américains les plus classes, reconstitution très propre et réaliste, dans une tonalité qui pour le coup rappellera davantage les westerns spaghettis, plus sombre, c’est aussi clairement vers le western italien que se tourne la photographie, qui privilégie le côté sombre et terni un peu les couleurs. Sans doute aussi la luminosité de la campagne roumaine n’est-elle pas tout à fait celle des étendues de l’Ouest tel que filmé dans le cinéma américain. Bien fait donc, ce film souffre peut-être d’une mise en scène un peu raide dans les scènes d’action. Elles ne sont pas toutes très lisibles, et il semble à l’évidence que le réalisateur est plus à l’aise pour saisir l’atmosphère, l’ambiance, que pour tourner les fusillades qui reste loin des meilleurs films du genre.
Le scénario est bon, mais il y a quelques lacunes là encore. Un rythme un peu terne pour un film pourtant court, et des hésitations trop sensibles entre le second degré et le sérieux. Pruncul c’est aussi une comédie, mais ce n’est pas complètement une comédie. Du coup en ne se montrant pas assez tranché ni dans un sens ni dans l’autre on reste un poil sur sa fin. Néanmoins, en dépit de ces lacunes, l’approche est intéressante. Ancré dans la conquête de l’Ouest, on a un film qui ne cherche pas tellement à rendre compte de l’héroïsme d’un homme, qui ne s’attache pas aux troubles des fines gâchettes de l’Ouest, c’est un métrage qui s’intéresse à des personnes « normales » dans un Ouest plus authentique, et marqué ici par le fait qu’on commence à entrer dans l’ère industriel. Malgré quelques baisses de rythme on passe un bon moment divertissant, original aussi car le film aborde la question de l’immigration à l’époque du far-west, aspect finalement peu apparent dans les westerns américains ou spaghetti, où il est souvent question d’Américains mais peu de tous ces Européens venus tenter leurs chance en Amérique.
Le casting est de qualité. Les acteurs, même ceux qui jouent les Américains ont un petit type slave marqué, mais Pruncul est emporté par des interprètes à la hauteur. Les trois frères sont bien campés par des acteurs roumains célèbres, et je retiendrai spécialement les prestations d’Ovidiu Moldovan et d’Ilarion Ciobanu. Les personnages ont de la consistance, ils sont bien complémentaires et je note aussi des méchants intéressants, plutôt réalistes. Pruncul séduit donc, avec néanmoins quelques personnages qui incarnent assez bien les figures « comiques » slaves. Cela apparait notamment sur la fin avec un petit vieux en costume de fantaisie.
A souligner une bande son étrange, à la fois inspirée des classiques du western avec un beau souffle épique, mais dans laquelle on entend des sonorités un peu plus modernes, plus années 80 pour le coup.
Pruncul est un western que seuls les plus hardis du genre découvriront puisqu’il n’existe pas en français aux dernières nouvelles. Dommage, c’est un western d’Europe centrale plaisant à suivre, pas exceptionnel car il reste trop gentil et pas assez efficace dans l’action, mais avec du style, de bons acteurs, et une vision singulière sur l’Ouest américain. On est loin d’une simple copie des classiques du genre et c’est appréciable. 3.5