Sur le papier, il était difficile de trouver plus séduisant que le thriller de Ridley Scott, Cormac McCarthy à la plume qui signe son premier script pour le cinéma, le réalisateur de "Blade Runner", "Alien" et "Gladiator" à la mise en scène, et le tout emmené par un casting vertigineux de stars. Il est assez drôle de voir à quel point l'histoire que raconte "Cartel" est quasi identique à celle que le film aura connu à sa sortie, le rêve d'un mégalo qui vire au cauchemar, celui d'un film qui promettait d'être grandiose qui vire au bashing pur et simple.
Le film éblouit par le nombre de thématiques qu'il aborde, les actes et leurs conséquences, en appuyant profondément sur le fait que l'homme est un animal avec sa propre hiérarchie, et évidement il y a les proies et les prédateurs, qui ne sont pas attirés par la chaire fraiche, mais la drogue et l'argent sale. "Cartel" raconte l'histoire d'un avocat véreux dont le nom n'existe pas, il veut à tout prix se faire de l'argent dans le trafique de drogue qui en peu de temps peut lui apporter une immense fortune, mais il découvre qu'un simple acte de travers peut plonger sa vie en enfer avec ses proches y compris, désespéré dans sa chute il tente de survivre et de sauver ceux qu'il aime avec en parallèle l'histoire de son ami Reiner qui a coté de lui découvre que sa femme Malkina est un serpent sans état d'âme.
Comme c'est souvent le cas, l'écrivain Cormac McCarthy n'a pas voulu voir son oeuvre réduite à un film grand public, il s'est même improvisé producteur pour y veiller, le respect qu'il cultive avec ses romans lui vaut de s'imposer rapidement. L'intrigue de "Cartel" finit rapidement pas égarer le spectateur, certifié 100% diabolico-noir le film a tout d'un prodige nihiliste allant jusqu'à utiliser son intrigue comme prétexte pour inviter à la réflexion dans l'univers le plus dangereux qui soit, chaque dialogue, chaque réplique participe à enfoncer le clou plus profondément, comme si "Cartel" avait été étudié au millimètre prêt, conçu comme du papier à musique et maitrisé avec une perfection incroyable assumant une froideur hors du commun dynamitée par un Ridley Scott qui dresse la caméra comme jamais, instaurant une atmosphère fascinante, tellement froide, glauque et noire quelle fait suer, comme si on allait faire un malaise devant cette décente aux enfers orchestrée comme une intense réflexion sur l'esprit humain, l'homme est un animal, et il est dangereux, comme le dit Cameron Diaz pour boucler le film « Je suis affamée ».
Scott dresse surtout ce portrait d'une manière absurde et contemplative, comme le joaillier, il est fasciné par l'imperfection, un diamant n'a pas de valeur pour sa pureté mais pour ses défauts, tout comme "Cartel". Cameron Diaz est le diamant. Elle fascine car elle est une vipère dans le rôle de cette Paris Hilton avec des rides, Scott capte la morphologie vieillissante des acteurs, il capte leur carrure et les filme d'une façon sublime obsédé par la lumière sur les corps, dans "Cartel"il n'y a pas le signe d'une poussière, pas un détail qui gâche la beauté de l'image, pompeux ou métaphorique ? Il faudra se laisser à l'idée. Scott regarde surtout les acteurs comme des félins, la scène dans laquelle Diaz et Bardem regardent un guépards apprivoisé chasser dans les pleines, c'est n'est pas une métaphore mais l'illustration pure et simple de ce que veut dire McCarthy : pour grimper en haut de la chaine alimentaire il faut assumer pleinement sa condition de prédateur, le tout avec une précision chirurgicale, sidérante, plongeant le film dans l'OVNI total, fascinant de bout en bout. "Cartel" s'intéresse d'avantage à la table qu'au repas, sondant les abysses de l'âme humaine, poussant ses héros à assumer que la seule chose que l'on attend de la vie, c'est la mort. Scott détruit un par un ses jouets, méthodiquement, il s'adresse directement à Hollywood, le Hollywood des belles gueules. Les meurtres qu'ils soient sanglant ou pas sont tous commis pour un élément comme les autres : la nécessité. C'est la banalisation du meurtre, rendant l'épopée d'avantage immersive et d'un réalisme transcendant. La mort est le thème principale, elle pourrait se présenter uniquement à travers le yeux de Malkina incarnée par Diaz, c'est la pierre angulaire du film, hors de toute contrainte et de toute logique, elle lui donne ce ton si surréaliste, cette tension qui par moment atteint des sommets tels qu'on en a des sueurs froides et une pitié pour celui qui se fait décaper en pleine rue, et l'autre qui finit dans une décharge.
Dans l'espace le plus dangereux du monde, ce thriller étudié et ficelé à la perfection marque de plein fouet, pas de place pour le faible, le guignol, c'est ça la chaine alimentaire, la lapin qu'est Fassbender dévoré par le malin qu'est le reste du monde, le casting de caïds et les répliques exaltantes finissent de rendre cette tuerie au bout de l'enfer incontournable.