Un tout petit film pour une très grande dame, voilà ce qu'on se dit après avoir vu "Free Angela". Encore un documentaire hagiographique à l'américaine qui tombe sur tous les écueils du genre et qui finalement, par des choix de narration "spectaculaires" privilégiant le fait divers au débat d'idées, ne rend pas vraiment justice à son personnage principal ni aux autres protagonistes, qu'ils soient partisans ou opposants. Ce qui est assez frustrant dans ce projet -mais en même temps, le titre est assez programmatique, on aurait donc dû s'en douter- c'est que l'auteur a choisi de se concentrer sur les déboires judiciaires d'Angela Davis et sa traque par le FBI plutôt que de proposer une véritable biographie. On a ainsi l'impression de regarder un de ces films de procès très prisés outre-Atlantique mais souvent assez lourdingue. Dramatisation, effets de manche... de bien grosses ficelles pour un sujet qui mérite plus de subtilité et, surtout, plus de fond. On nous dit qu'Angela Davis était une brillante étudiante en philosophie mais on n'entre jamais dans les détails de l'articulation de sa pensée et de la transposition de cette pensée en action si bien qu'au final, on n'aura qu'une image caricaturale et formatée d'Angela Davis et de ses idées : femme d'action et de conviction éprise de liberté et d'égalité pour ses admirateurs, dangereuse déviationniste prônant le désordre et la violence pour ses détracteurs. Et puis, je veux bien admettre qu'on puisse axer le film sur l'Angela des années 60/70, une époque où l'idée d'engagement prenait tout son sens, parfois sous des formes extrêmement radicales (aujourd'hui, on se contente de "s'indigner" du bout des lèvres et encore, il faut que ça soit un nonagénaire -paix à son âme- qui donne l'exemple !), mais de là à passer complètement sous silence les 40 années qui ont suivi... Voilà pour le fond (ou l'absence de fond). Sur la forme, extrêmement classique dans l'ensemble, "Free Angela" se fait remarquer négativement par un défilé stroboscopique et interminable de coupures de journaux et par quelques scènes maladroitement reconstituées par des acteurs vaguement ressemblants, scènes aussi inutiles que voyeuristes. Malgré tous ses défauts, "Free Angela" reste néanmoins un document rare sur une époque passionnante et sur l'une de ses figures les plus emblématiques. Un document rare, mais une déception au regard de son sujet. Pour palper l'air du temps passé, on préfèrera regarder "Black Power Mixtape" (pour les mouvements d'émancipation) ou "The Weather Underground" (pour la radicalisation des mouvements étudiants).