Avis sur Epilogue

Un couple à bout de souffle d'octogénaires, Berl et Hayuta, survit dans un immeuble miteux du Tel-Aviv populeux, très loin des quartiers bling bling de la grande ville israélienne. Ce sont des pionniers, qui ont participé à l'établissement du pays, où ils habitaient déjà du temps de la Palestine sous mandat britannique, avant-guerre. Le très idéaliste Berl et la très fatiguée Hayuta s'apprêtent à fêter leur anniversaire de mariage. Ce sera aux bougies (pour cause de énième bricolage calamiteux de Berl), et avant un "dernier voyage". C'est une sorte de docu-fiction que ce très éprouvant "Epilogue", en forme de survol de la société israélienne contemporaine, très dure aux exclus de tout poil, aux personnes âgées en particulier, violente, injuste, empêtrée dans la bureaucratie (voir l'étonnante scène d'ouverture).... Rien de bien différent des sociétés européennes ou nord-américaines. Amir Manor, bien loin en âge de ses protagonistes, sait saisir avec acuité toutes les facettes de la personnalité rien moins que lisse de ces deux aînés, dont les rôles sont assurés par des acteurs de grand talent. Mais le sujet lui-même est redoutable - si déprimant ! En dépit de toute la délicatesse dont sait faire preuve la mise en scène, veiller à réserver le visionnage de ce film à des personnes équilibrées - et ne se laissant pas rebuter par l'épure (et la lenteur) !

Sobre et sensible, Epilogue impressionne par le nombre de questions qu'il soulève tant d'un point de vue humain que politique. Il met à l'épreuve l'amour, l'espoir et la dignité en fin de vie à travers un couple d'éternels militants, dont on se demande si leur descendance les a abandonnés. Une façon de faire le point sur ce qu'il reste des idéaux des fondateurs de la gauche israélienne - les sionistes travaillistes menés à l'époque par Ben Gourion.

Yosef Carmon et Rivka Gur livrent une interprétation sensible de ce couple qui se sent disparaitre. Les regards et les corps fragiles sont magnifiquement éclairés : presque jamais de face, privilégiant des jeux d'ombres et de lumières, comme pour préserver l'intimité, la dignité des protagonistes. À de rares moments-clés, le regard est mis à jour, plongeant brusquement le spectateur dans l'intériorité de l'un d'entre eux.

Epilogue évite avec sensibilité les écueils d'un premier film en livrant une œuvre simple dans sa structure narrative et son traitement, qui donne à voir de l'humain et soulève de riches questions. Le pari est donc réussi, au prix d'une certaine austérité. Espérons que ce réalisateur prometteur saura transformer l'essai et confirmer sa place parmi la jeune génération de réalisateurs israéliens.

Film touchant sur le quotidien d'un couple agé, avec de longues séquences, tout en nuances, douces et une immense nostalgie qui tranparaît à chaque scène. Le réalisateur prend son temps et le scénario avance comme un escargot. Il faut être patient et bien éveillé. Mais le film a un charme indicible.

Une oeuvre sensible et attachante d'autant plus remarquable qu'elle traite d' un sujet délaissé dans un contexte des moins attirants...

Un des plus beaux films israéliens qu'il m'ait été donné de voir, et dans l'absolu un très grand film. Inutile d'insister sur l'arrière-plan politique et social – il est important, mais à cet égard le film parle par lui-même. Ce qui est bouleversant, et parfaitement traduit par le réalisateur et ses acteurs, c'est l'humanité blessée des deux principaux personnages, un couple de retraités impécunieux, à la merci des services sociaux et ne se résignant pas vraiment à la disparition des valeurs pour lesquelles ils ont vécu.

Le titre français, «Epilogue», parle à la fois d'une fin de vie et de la fin d'une certaine société israélienne à laquelle Hayouta et Berl se sont identifiés. Titre doublement justifié, donc. Je préfère cependant le titre originel, «Hayouta et Berl», qui place ces deux personnes au centre du récit. Berl proteste quand il s'entend dire que les œuvres complètes d'A.D. Gordon, l'un des maîtres à penser du sionisme socialiste, ne trouvent pas preneur de nos jours. Une protestation dérisoire que le réalisateur, Amir Manor, restitue dans toute sa noblesse. Et si l'avenir, en dépit des apparences, était du côté d'Amir Manor et de ses héros?

film remarquable servi par des acteurs exceptionnels. Très émouvant avec quelques sourires. On en sort sonné avec quelques interrogations. Très bien filmé avec des gros plans saississants. Ne vous attendez pas à de l'action....là, tout est dans la justesse.

MAGNIFIQUE. COURREZ-VOIR CE MODESTE ET TRÈS TRÈS BEAU FILM !
- Pour la beauté et l'émotion de ce vieux couple déphasé mais digne, qui ne perd jamais la face ni d'ambition mais perd la bataille des valeurs sociales...
- Pour ses comédiens... dont une véritable Gena Rowlands.
- Pour sa mise en scène à la lumière d'un jour cru, ou de celle théâtrale des bougies qui magnifient ces vieux visages en leur offrant une dernière scène.
- Pour le rythme de ses plans, calé sur l'humain et non sur celui de l'électronique dont s'extirpe le vieil homme au travers d'une belle scène de portes automatiques...
- Pour ce témoignage d'un quart-monde grandissant au sein de nos sociétés indifférentes...
- Pour celles et ceux qui se désespèrent, tels ces personnages, de la fin annoncée de valeurs humanistes et sociales...
- Pour inviter la génération d'aujourd'hui à se ressaisir et rallumer la flamme, à la manière de ces octogénaires qui célèbrent leur amour originel dans leur appartement ou, de ces petits gestes d'humanité qu'ils reçoivent d'une ou deux personnes…
- Pour montrer enfin, et c'est plus que jamais nécessaire, à ceux qui confondent sa dérive ultra droitière — ou ceux qui se disent "anti" par généralisation, méconnaissance ou ostracisme — que le sionisme fondateur, certes aujourd'hui minoritaire, n'était guère le fruit d'un capitalisme conquérant mais d'une profonde inspiration socialiste et progressiste, tournée vers l'autre… dont le cinéaste et son film, et c'est au moins la note d'espoir, en réveillent l'héritage.