"Sicario" est le genre d'expérience vraiment intéressante à visionner. Loin d'être un film d'action bourrin, le parti-pris de ce long-métrage est de venir traiter des éléments concrets de notre réalité. Prenant la situation assez complexe des cartels mexicains et le rôle douteux des États-Unis comme la base de son script, le projet veut clairement faire réagir son public. Et cette approche, Denis Villeneuve l'a bien compris. Il a réussi à utiliser ce point de départ pour y imposer son style visuel si particulier. On y retrouve donc les particularités de sa réalisation de manière assez visible, notamment dans son souhait d'offrir un ensemble contemplatif et immersif. Bien aidé par les décors mexicains et la bande-son très oppressante de Jóhann Jóhannsson, le réalisateur va clairement prendre le temps au sein de cette histoire. Cela ira parfois un peu loin, offrant quelques longueurs par moments, mais ce sera globalement très efficace lors des scènes d'action. Je pense notamment à la séquence de la frontière, qui réussit très bien à maintenir la pression pendant toute sa durée. On attend impatiemment que les choses arrivent, et quand elles arrivent, ce sera finalement rapide, mais extrêmement brutal. Je note également la sublime séquence dans le tunnel, qui est très intelligente en matière de mise en scène, avec ce point de vue à la première personne. L'objectif est donc clair, à savoir le fait de proposer un ensemble froid et explosif. La violence est au cœur du film et c'est tout ce que l'histoire souhaite raconter, notamment au travers de ces trois personnages principaux. Alejandro et Matt sont les parfaites représentations de ce souhait, eux qui témoignent des pratiques douteuses et cruelles des États-Unis à la frontière. Ils nous montrent la cruauté de ce monde et ce qu'il peut avoir de plus terrifiant. En tant que spectateur, nous adopterons cependant le point de vue de Kate, elle qui découvre ces choses en même temps que nous. Elle a beau être le personnage principal, son apport au scénario sera simplement de constater l'horreur de cette situation. Son idéalisme sera clairement mis à mal au sein de cet environnement, et j'ai beaucoup apprécié ce choix. Déjà, car Kate n'est pas une incompétente pour autant, elle sait se montrer utile. Mais aussi, car il est intéressant de ne pas nous présenter notre héros comme grand gagnant pour une fois, mais bien comme une victime. Sa vision sera pourtant loin d'être laissée de côté, le final nous le montrant clairement.
Si la scène d'exécution par Alejandro est vraiment forte et imprévisible, c'est surtout la dernière séquence qui marque le spectateur. Quand on entend ses coups de feu, dans une scène de vie normale avec cette famille du Mexique, cela vient nous montrer en quoi cette violence n'est finalement pas une bonne chose. Elle s'avère même très vaine, tant la situation ne peut se résoudre de cette manière, qu'il y aura toujours de la violence et que la haine engendre la haine.
En bref, ce long-métrage est donc plein de surprises. C'est un film vraiment puissant, qui réussit à parfaitement sublimé son idée de départ. C'est une œuvre à voir de toute urgence si vous l'avez manqué à sa sortie. Pour conclure, un film cruel, mais bien trop réaliste.