Film de geeks, par les geeks (quoique…), pour les geeks. Ready Player One est cette pizza base crème, raclette, lardons, pommes de terre, œuf, suppléments chorizos : elle est alléchante, on aime la proposition, les trois premières parts nous plaisent, mais on est vite rassasié.
Commençons par évacuer le positif. Les effets visuels, presque cinématiques, sont parfaitement à-propos, car ils s'ancrent dans ce métavers. La réalisation vertigineuse, qui se prête à très peu de films, sied spécifiquement à des scènes comme
la course du début ou l'épreuve de Shining
, lesquelles sont les seules dignes d'intérêt de ce film.
Parce que tout le reste n'est que déjà-vu, convenances, et incohérences. La liste de ces dernières seraient très longues, tant le concept de réalité virtuelle n'est pas compris. Mais parmi les plus grosses, on peut citer le déplacement des personnes dans l'Oasis. On comprend que chaque mouvement dans le jeu est la conséquence d'un mouvement dans la réalité –
d'ailleurs, la scène où Parzival peine à insérer la clef dans la serrure découle de cette contrainte
. Dans ce cas, comment expliquer que des personnes puissent jouer dans la rue – où les obstacles sont partout – ou dans un fauteuil ? Même en jouant avec le tapis omnidirectionnel, comment s'articulent des mouvements comme la montée de marches, le saut ou le fait de s'asseoir ? La suspension d'incrédulité apparaît comme très laborieuse, surtout quand le scénario se sert de cette contrainte quand ça l'arrange.
Que dire aussi du name dropping outrancier, qui laissera sur le bas côté tout spectateur n'ayant pas les mêmes références que Halliday. Quitte à partir dans un film de niche complet, pourquoi s'encombrer d'une romance inutile et d'une morale en contradiction avec cet amour pour la pop-culture ? À vouloir toucher tous les profils de spectateurs, le film ne trouve un écho véritable chez personne.
Les personnages – hormis, peut-être Aech, et encore, pas toujours – sont écrits de la manière la plus conventionnelle qui soit. Pourtant, la situation sociale de Wade, ainsi que son individualisme rebelle ont tout pour proposer un personnage intéressant. Mais la fascination malsaine qu'il nourrit pour Halliday, allant jusqu'à calquer sa personnalité et ses goûts sur les siens, le place tout de suite en Monsieur Je-Sais-Tout horripilant.
L'autre problème de fond auquel fait face Ready Player One, est l'ancrage générationnel de ses références. Le film d'anticipation est un genre exigeant qui requiert une précision et une crédibilité dans le futur envisagé. Or faire l'impasse sur toute œuvre n'ayant pas paru entre les années 70 et 90 – qu'elles soient plus anciennes ou récentes – dénote, au mieux, d'une paresse scénaristique, au pire, d'une fermeture d'esprit. Quand bien même l'on serait habité par une nostalgie perpétuelle dans l'appréciation d'une œuvre, cela relèverait d'une grande étroitesse d'esprit que de ne pas prêter d'intérêt à une œuvre pour la seule raison qu'elle n'appartiendrait pas à une époque de prédilection. Ce qui nous mène à un fétichisme passéiste.
On notera également que le récit verse dans une héroïsation éculée du pseudo-paria – homme, jeune, blanc, hétéro, d'ailleurs… – à qui tout sourit, alors que les autres joueurs, manifestement cons comme leurs pieds, n'ont jamais pensé à faire marche arrière sur le circuit – ils ne possédaient pas la DeLorean, c'est pour ça ! – ou à consulter les archives. Preuve que Wade est vraiment LE geek parmi les geeks, le seul être animé sérieusement par la volonté de trouver l’œuf d'or – si l'on met de côté le très méchant Sorrento !
Enfin, on notera également le traitement stéréotypé des personnages asiatiques, qui, faut-il le croire, ne pouvaient pas être dépeints autrement qu'en ninja ou samouraï, allant même jusqu'à piocher dans la méditation ou l'usage du katana dans la vraie vie.
Et que dire du dénouement, hyper convenu, qui nous assène une morale nauséabonde, visant à nous rappeler que "seule la réalité est réelle". Eh bien ! Merci Halliday de nous l'avoir rappeler, cela nous était sorti de la tête ! Et merci à Wade et Samantha d'interdire l'Oasis le mardi et jeudi. Je pense qu'ils auraient adoré cette restriction avant de se connaître !
Spielberg, dont on ne reconnaît pas du tout le talent d'antan dans cette réalisation cliché parmi les clichés, signe probablement son plus mauvais film. Bien que, dernièrement, il rivalise d'ingéniosité avec lui-même pour nous pondre des films peu inspirés.