10 Cloverfield Lane est une très bonne surprise. Généralement on peut attendre des films de série B un résultat assez limité, en raison d'abord du budget, puis de l'importance minime qu'ils ont en salles. Mais fort heureusement, on a affaire à un film extrêmement abouti, certes anarchiste mais très contrôlé.
Ca commence par une séquence d'ouverture choc, et une fois que le personnage principal, Michelle, se retrouve incarcéré chez son soi-disant bienfaiteur, tout évolue en une spirale qui part en vrille. Trois personnages, un huis clos anxiogène où tout est en proie à la paranoïa, la crainte de l'autre, le doute, la question de confiance et bien évidemment, cette obsession du dehors. Qu'y a-t-il, autour du bunker? On ne sait pas vraiment, et tout ce qui est dit à propos de cette attaque nous fait imaginer un monde apocalyptique où personne ne survit. Un scénario très bien ficelé avec une dynamique très calée, et des protagonistes qui se fixent dans les yeux; les dialogues s'appuient à de nombreuses reprises sur les non-dits, les regards de travers, les soupçons justifiés ou non, et des gueulantes qui ponctuent (peut-être trop) régulièrement le film dans sa problématique globale: qui est et que veut Howard, le gardien machiavélique qu'on ne parvient pas à caser et que John Goodman rend passionnant par la mise en valeur de son ambiguité. Que représente ce monde auquel il ne faut surtout pas se mesurer?
Dan Trachtenberg - réalisateur peu connu - met en scène avec beaucoup de sobriété et d'objectivité son jeu de pantins qu'il s'amuse, à la manière de Tarantino et ses Huit Salopards, à manipuler avant de l'envoyer balader en un éclat fulgurant. Une esthétique très étouffante et ajustée par une obscurité - tant psychologique et sociale que visuelle - permet à l'histoire d'être pleinement vécue sans qu'on s'arrête vraiment sur les nombreuses incohérences qui saturent les deux heures. Dans ce sens, le manque de minutie trahit un peu trop le budget limité du film, ce qui conduit indirectement à le prendre à la légère, et ce même si le producteur est le papa de Star Wars VII...
Côté casting, on ne s'attendait pas grand-chose, donc les acteurs nous paraissent amplement corrects sans pour autant frôler une quelconque performance. On fera mention spéciale seulement à John Goodman, parfait. Mais quelque chose manque à 10 Cloverfield Lane: sans parler de la fin totalement anarchiste et décalée, c'est peut-être un grain d'originalité, de passion. Car ce n'est pas parce qu'un film est discret qu'il doit le rester. Dommage; si une véritable patte artistique s'était montrée, on aurait un excellent film d'horreur apocalyptique. Il n'en reste pas moins un parfait divertissement servi par une musique géniale. Pas d'horreur sanguinaire, juste des sursauts très bien calculés...