L’adaptation d’une oeuvre littéraire réputée, un réalisateur à la mise en scène inspirée, mais aussi, bien sûr, une Freya Mayor avec ses longues jambes (non pas arquées) dotée d’un pur charisme. Même si, à bien y réfléchir, le trio principal (constitué, en plus de Mayor, de Biolay et de Martin) donne quelque chose d’assez intéressant. Passons. Entre rêves, délires et tons fortement poétique, s’imprime un pur désir de cinéma. Comme ce passage, lorsqu’un plan fixe prend place mais que le titre, lui, apparaît tel un travelling. Mot après mot, route après route, des personnalités se rencontrent, le mystère les recouvre comme l’obscurité qui déploie son châle sur les territoires (déjà?) visités par cette femme rousse qui ne demandait qu’au départ qu’à voir la mer.
On entreprend alors de tenter de démêler le vrai du faux, de flairer ce qui pourrait être comme une imposture dans ce road-movie maîtrisé et qui pue pourtant le renfermé, à cause de cette ambiance fortement confinée. La plus grande partie de l’action se déroulant la nuit, le ton froid et sibyllin est plus qu’alimenté. Mentalité de l’oeuvre cinématographique (et avant ça, littéraire) : à chaque décor ses quatre vérités, de la station-service à l’hôtel, en passant par ces rochers, proches de la rivière, accompagnés par ces cauchemars dans lesquels y sont mêlés sang, meurtres, puis eau.
Beaucoup d’eau. Une pure étendue, avec son sable fin, son ponton assisté par ses planches de bois, puis ce ciel, bleu, puis blanc à cause de quelques nuages qui percent l’horizon. Du bleu, du jaune, une touche de marron et une pointe de blanc chrome, une invasion de nouvelles couleurs jamais vues encore dans le film, face aux ténèbres de la nuit pâle. Voici du sacré cinéma, rythme dynamité avec soin par un Joann Sfar en pleine créativité, celui-ci privilégiant la mise en scène et mettant un peu de côté l’inventivité du scénario. Mais peu importe, la tension des dialogues est bien présente, les rebondissements attractifs, jamais grossiers ou presque, prennent une bonne place dans la continuité des évènements. "La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil" possède des défauts, mais aussi une grande quantité de qualités, dont la réalisation qui inaugure ici une place importante. Une chose est bien certaine : Sfar possède un grand talent, et il sait l'utiliser à bon escient. On peut l'en remercier d'avoir donné une si bonne adaptation pour un livre qui le méritait bien.