Très éloigné de la pièce de Jean-Luc Lagarce, que j'avais eu la chance de voir à la Comédie-Française en 2009 (une splendeur, avec Pierre Louis-Calixte dans le rôle de Louis).
Xavier Dolan, qui remercie l'auteur au générique (Lagarce, mort en 1995, sera très heureux de l'apprendre), s'est librement inspiré de l'univers du dramaturge français, en l’accommodant la sauce Dolan : musique pop - ah la fameuse choré sur Ozone, maquillage à outrance pour la mère, tatouages floraux pour la fille, gueule de cassos pour le frère, etc. Pourquoi pas... Le problème est qu'on n'entend pas la langue de Lagarce et le très beau texte d'origine, tant les acteurs hurlent ou parlent dans leurs barbes, que Dolan a tout déconstruit, tout chamboulé, tout fantasmé (le souvenir des amours adolescentes de Louis avec son jeune voisin), mais surtout qu'il a commis un contresens absolu. "Après tout, ce n'est pas la fin du monde", dit Louis (l'admirable Gaspard Ulliel). Ben si justement, c'est JUSTE la fin du monde. Avec la mort annoncée de Louis, un monde va disparaître à jamais, s'évanouir comme de la buée sur une vitre (l'image vient pourtant du film), et ce sera une monstruosité insensée, un scandale inouï, mais aussi un épiphénomène, une toute petite chose, comme cet oiseau qui palpite au sol et se raidit dans le plan final, seule touche d'émotion dans un océan de bluff. Tabernacle, n'est pas Lagarce qui veut !