On aime tous Ken Loach, pour son incroyable foi en la bonté et la solidarité humaine, face au méchant capitalisme destructeur, face à l'administration aveugle. Il a raison. Le film démarre de façon magistrale. Daniel (l'excellent Dave Johns) est menuisier. Victime d'une grave crise cardiaque, il a évidemment droit à des indemnités, mais il se heurte au fonctionnariat le plus bas du front que l'on puisse imaginer. Les avis médicaux ne comptent pas. Seul, la signature du gratte papier qui le contrôle, et qui "obéit aux ordres" a force de loi. Il doit remplir un questionnaire où, parce qu'il peut lever les bras pour mettre son chapeau et ne voit pas d'éléphants roses, il est jugé apte à travailler. Nulle part, il n'est fait référence à un problème cardiaque. Un peu gros, non? Enfin, voilà qui devrait décourager tous ceux qui pensent trouver en Grande-Bretagne l'eldorado des travailleurs.... Alors, il pourrait demander le chômage, à condition de prouver qu'il s'emploie activement à rechercher un travail.... qu'il n'aurait pas le droit d'exercer. Les chose iraient plus vite s'il savait se servir d'un ordinateur.... mais non.
A paumé, paumé et demie. Daniel rencontre Katie (Hayley Squires). Katie a raté son rendez vous avec les services sociaux parce que, nouvelle dans le quartier, elle s'est trompée de bus et est arrivée en retard. C'est une mère célibataire avec deux jolis enfants, l'un un peu bronzé: Katie est de ces filles qui sont très douées pour toujours choisir les mecs les pires.... Daniel va l'aider, avec énormément de générosité, parce que c'est un type qui en déborde. Il est veuf, il s'est occupée longtemps de sa femme malade, il n'a pas d'enfant -et il déborde de gentillesse.
Bref, notre ami Ken charge la barque. Quand Katie, à la banque alimentaire, est dans un état d'épuisement tel qu'elle se jette sur un bocal de fruits au sirop qu'elle prend à pleines mains, c'est une scène extrêmement émouvante. Mais quand, pour s'en sortir,
pour nourrir ses enfants (on ne lui a pas donné d'autre rendez vous?), elle en est réduite à se prostituer....
la barque chavire.
C'est un assez beau film, certes, qui montre bien comment le monde libéral broie les faibles. Sauf qu'à vouloir trop démontrer, Ken Loach sème le doute. Et qu'on peine à retrouver la force et l'originalité de ses premiers films (Kes, Family Life.... des chefs d'oeuvre!). Sans parler du pittoresque qu'il savait si finement manier (comme dans La part des anges, par exemple). Bref: finalement décevant.