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    Le Chevalier à la rose (Met-Pathé Live)
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    Ninideslaux
    Ninideslaux

    67 abonnés 223 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 14 mai 2017
    Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l'opéra: un petit rappel

    Au premier acte, la Maréchale (soprano) se réveille avec son très jeune amant et cousin, le comte Octavian (rôle travesti, mezzo soprano). Il a dix sept ans; elle est une femme mûre... Il n'est pas le premier (même s'il se l'imagine) et sans doute, il ne sera pas le dernier... Arrivée d'un autre cousin, le baron Ochs (basse); il a besoin de l'appui de la Maréchale pour épouser Sophie, la fille d'un bourgeois très enrichi, Faninal. Il lui donne un titre de noblesse; Faninal apporte beaucoup de fric....A l'arrivée de Ochs, Octavian a dû se travestir avec les habits de la soubrette, Mariandel, qui plait beaucoup au baron... Octavian sera choisi pour apporter la rose d'argent à Sophie, signe de fiançailles. Au deuxième acte, Sophie, un peu niaise (elle n'a que quinze ans, mais par la suite elle prendra son destin en mains) se réjouit de bientôt appartenir à l'aristocratie! Mais l'arrivée de Ochs, d'une épouvantable vulgarité... et le charme d'Octavian font comprendre à la très jeune fille qu'elle ne doit pas épouser celui que son père a choisi pour elle! Au troisième acte, tout un subterfuge "une farce viennoise" est monté par Octavian pour démasquer le vilain Ochs: Mariandels, à la veille des noces, lui a donné rendez vous dans une auberge....

    Le Met doit avoir des figurants excédentaires à faire travailler; il y en a parfois tant qu'on a l'impression que le plateau va déborder.... c'est qu'il faut toujours plus de grandiose, plus de spectaculaire, et le présent Rosenkavalier... n'échappe pas à l'inflation.

    Robert Carsen est très demandé. Quand on cherche un metteur en scène un peu provocateur mais pas trop, avec des idées nouvelles mais pas trop nouvelles quand même, bref qui soit original sans être Regietheater: Carsen! Personnellement, je n'ai pas souvenir d'une mise en scène de Carsen qui m'ait laissé une impression immémoriale. En tous cas, aujourd'hui il s'est glissé dans l'esthétique "gros gâteau" du MET comme dans un chausson. La chambre de la Maréchale est tout à fait d'époque, avec mobilier d'époque, portes surdimensionnées et tableaux d'ancêtres géants, l'action étant plutôt transposée à la fin du XIXe siècle. Par contre, c'est un directeur d'acteur hors pair: pendant le premier acte, vous n'avez pas l'impression d'être à l'opéra, mais bien devant des comédiens du Français en train d'interpréter du Feydeau. Ce premier acte est délicieux. Dans le second, on commence à sentir les prémices de l'overdose. Pourquoi ces couples en train de tournicoter derrière Octavian et Sophie quand ceux ci commencent à se regarder... très tendrement? Quand au dernier acte, que Carsen situe dans un bobinard 1900 avec force peluche rouge, photos cochonnes et petites dames en corset à jarretelles, il tombe carrément dans la vulgarité, même si cela peut être drôle de voir Octavian /Mariandel se battre avec ses bas noirs qui ne veulent pas tenir... On se demande bien pourquoi la police interviendrait, puisque dans ce genre de maison, on sait ce qui s'y passe. C'est la toute la difficulté avec cet opéra: en garder la dimension comique, car elle est là -presque tout le temps- sans finir dans Max Pécas.... Là, c'est raté.

    Alors, ce qui sauve la soirée et en fait, malgré tout, une soirée d'anthologie, c'est l'incroyable distribution -impossible d'imaginer mieux. Elle est là, la force du MET: arriver à réunir les meilleurs.... Même pour le bref passage du chanteur italien, on a fait appel à Matthew Polenzani, un des ténors vedettes actuels de l'institution...

    Renée Fleming, bien sûr, qui fait ses adieux au rôle. Ce n'est pas possible! Chère Renée, vous ne pouvez pas nous quitter comme ça. A cinquante huit ans, vous êtes encore.... tellement plus belle que les autres Maréchales! (Et pour moi vous serez toujours Arabella. Personne d'autre!) Mais vous êtes aussi une sage. Vous savez que votre voix évolue, et vous ne voulez pas la forcer à faire quelque chose qu'elle ne peu plus faire à la perfection. Qu'elle pourrait faire: mais plus à la perfection, et hier, il est vrai qu'en vous écoutant, il y avait parfois dans le miel, une petite acidité; moins de facilité peut être; là où coulait ce miel de votre voix comme de façon naturelle, un peu d'effort? Mais ce en quoi la Fleming reste inégalable, c'est cette émotion qu'elle fait passer lorsque la Maréchale, anticipant le départ de son jeune amant, et l'acceptant comme une chose naturelle, évoque ce terrible passage du temps, cette chose qu'on ne ressent pas, qui s'impose malgré nous, contre nous, en sourdine, alors qu'on s'imagine que rien n'a changé. Les mots d'Hugo von Hofmannsthal sont justes, et Fleming les interprète avec tant de justesse......

    Erin Morley, ravissante fille à la voix limpide et chatoyante, est une délicieuse Sophie

    Enfin, les deux triomphateurs de la soirée. D'abord, Elina Garanca, idéal Octavian (c'est presque en Mariandel qu'elle a l'air déguisée...) silhouette androgyne, façons de voyou (de bonne famille) quand elle saute sur le lit, secoue sa maîtresse; il y a des moments très hot je vous assure... aussi crédible dans sa chemise de nuit du premier acte que dans son petit uniforme d'officier. (Et pourtant, au naturel, elle est des plus féminine...) Le timbre assez corsé de sa voix s'harmonise admirablement avec celui de Sophie. Ce n'est pas toujours le cas: bien des mezzos peuvent être prises pour des sopranos quand elles chantent dans le haut de leur tessiture. Elle est magnifique, tant sur le plan scénique que vocal.

    Et la révolution du Baron Ochs apportée par Günther Groissböck qu'on voit partout en ce moment, wagnérien émérite d'ailleurs, dont, là encore, on ne soupçonnait pas les dons d'acteur -et d'acteur comique surcroît! Il est énorme! Habitués que nous sommes à voir le seigneur de Lerchenau interprété par une vieille basse bedonnante -s'il pince la fesse des soubrettes c'est qu'il est un peu gaga- nous découvrons la puissance maléfique du personnage lorsqu'il est interprété par un type jeune, athlétique et plutôt bel homme, même si ce n'est pas Garry Cooper: c'est la vulgarité même, l'absence de tout sens moral et de toute empathie, et on redécouvre en même temps le côté sociétal de cette comédie. Ochs, c'est l'archétype de tous ceux (que Strauss et Hofmannsthal devaient détester) qui, parce qu'ils sont "nés" (ou, de nos jours, ont du fric) se croient autorisés à mépriser leurs "inférieurs", à les humilier, à traiter les femmes comme du bétail qu'on achète. La Maréchale, qui, elle, a l'âme aristocrate au sens élevé du terme, lorsqu'elle pense au triste sort de Sophie, se souvient qu'elle aussi, a quinze ans, sortant du couvent, a été vendue à un Maréchal (qui ne devait pas encore l'être), qui n'aimait que la guerre et la chasse, et a du être un bien piètre époux.

    Tous les comprimari -et dieu sait s'il y en a! sont épatants!

    Pour ceux qui ont peur de l'opéra, surtout quand il est long: voilà exactement le genre de spectacle à découvrir!
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