Si la lucidité n’est pas toujours l’emblème des studios Disney, il s’avère néanmoins que les objectifs de rentabilité font preuve d’efficacité, notamment dans une année qui semble balayer toute concurrence. Mais alors pourquoi miser sur un projet « tiroir », un projet malhonnête, car cela remet en question toute l’existence et l’utilité de ce remake en images de synthèse photo-réaliste. Au-delà de la prouesse technique à couper le souffle, la marche semble malgré tout trop haute pour le monument, retouché à tort, qu’est « Le Roi Lion » de Rob Minkoff et Roger Allers. Il n’est donc pas étonnant de voir un Jon Favreau trébucher face au blason impérial de l’œuvre originale, considérée comme le plus grand succès de la filmographie d’animation ces dernières décennies. Touchant plusieurs générations, les enjeux sont importants pour l’industrie et ce sera donc la nostalgie qui sera retenue comme principal catalyseur émotionnel.
Sachons tout d’abord que chacun appréhendera le long-métrage selon son expérience avec le premier du nom. Or, le contenu devrait rester inchangé, du moins dans le fond. Nous avons toujours à faire à une quête initiatique, tout en mêlant avec astuce la comédie musicale et le ton tragique. Le parcours de Simba n’est normalement plus une surprise pour tous, mais la mise en scène peut séduire dans les moments cruciaux, du moins pendant son apprentissage auprès de son père et Zazu. Mais l’élan réaliste rencontre la barrière du tolérable et la franchit rapidement, à partir du moment où on a du mal à détailler l’expression faciale et cartoonesque des animaux. Tout le challenge réside dans le réalisme, mais cela dénature des personnages. Le visionnage est donc inconfortable, car nous cherchons sans cesse une utilité à cette œuvre, sans originalité ni personnalité. Par ailleurs, les ajouts surexpliquent des scènes sans grande utilité, si ce n’est pour servir de nouveau le graphisme. Mais lorsque la comédie musicale s’empare de l’écran, on ne retient que des travellings à hauteur de lionceau. Cela manque de magie, à défaut de crédibilité. Mais est-ce donc nécessaire d’en arriver là ?
La tragédie de Hamlet est donc diluée, voire noyée dans le cahier des charges, tout en admettant quelques réécritures sympathiques. Timon et Pumbaa sont les éclaireurs de cette audace payante, mais en dehors du registre comique, le rythme s’accélère brusquement et les dialogues piétinent dans l’excès. Pire que de la frustration, la colère est tout à fait justifiable. Bien entendu, tout n’est pas retransposé à l’identique et certaines libertés peuvent gagner notre sourire. Mais sur l’ensemble du travail fourni, il existe une certaine trahison… disgrâce.
En somme, « Le Roi Lion » de Favreau possèdent les défauts escomptés, à savoir de manquer d’audace dans la créativité et d’avoir buté sur un visuel en panne de rêverie. Alors que « Le Livre de la Jungle » proposait une subtile relecture par moment, ce dernier volet nous laisse face à un film connu, plan par plan ou bien prolongés. Mais cette démarche a des limites et cela devient rapidement une contrainte, démunissant les scènes chocs ou simplement divertissantes de leurs qualités. Sommes-nous donc alors trop exigent sur ce remake qui semble demander indulgence, car l’unique objectif est d’émerveiller ? Et bien, si c’est le cas, c’est la rigueur qui prend un coup, tout comme la crédibilité de la firme. L’œuvre est sans doute rattrapée par son époque et l’équipe actuelle ne parvient plus à insuffler la puissance et l’émotion de la fameuse « Histoire de la vie ».