Voici un film très émouvant, quand on aime les gens (préalable nécessaire). Ce film est une multi-réussite. Deux acteurs exceptionnels, Camélia Jordana et Daniel Auteuil ; d’autres tout-à-fait convaincants et attendrissants (le copain de Camélia, les copains du copain, sa mère, sa grand-mère, jusqu’au délinquant de la fin –on n’y croit pas tellement tout est juste). Et dans ce film, on est au cœur du problème. Et l’on peut répéter cela autant de fois qu’il y a de problèmes : études, panurgisme, respect, banlieue, élitisme, carrière, famille, immigrés, amour, machisme… Jusqu’à l’articulation! –L’articulation est précisément le problème de tout le monde aujourd’hui, et surtout celui des acteurs français (ça, ce n’est pas dans le film!). Mais c’est un fait que le film s’occupe beaucoup d’éloquence, donc c’est normal d’aborder l’articulation! Il y a un prétexte dans le film et l’on n’en sort pas ; on a beau toucher beaucoup de sujets sensibles, on ne s’y attarde pas. Par exemple, le mot radicalisation n’est même pas prononcé tandis que le racisme est en filigrane du début à la fin. C’est presque trop beau. Et d’ailleurs, on pourrait critiquer le film dans ce sens –mais pourquoi vouloir le critiquer dans un sens qu’il n’a pas voulu pendre?! La phrase-clé de la bande-annonce est « peu importe la vérité, l’essentiel est d’avoir raison » (en substance). Cette phrase sera bien décortiquée. A la lumière de Schopenhauer, des copains, de la famille… –mais pas de la religion. Il y a ceux qui n’ont pas oublié les mots simples car ils n’en ont pas appris d’autres ; il y a les autres qui finissent embouteillés avec leurs grands mots et qui oublient les mots simples. On est dans le juste quand Camélia entend la grand-mère dire la même chose que son immense prof d’université, avec ses mots, avec son tablier dans sa cuisine, sans même que le sujet ne soit abordé ; on est dans le juste quand Camélia rabroue son amoureux de la façon la plus nulle qui soit, la façon qu’elle a retenu jusque-là de ce prof. La fin est exceptionnelle et inattendue –il est vrai que les génies de l’éloquence sont rares quand elle rime avec intelligence et sensibilité. Ça fait penser à cette phrase qui n’est ni de Schopenhauer ni d’Attal : « L’art est un mensonge qui dit la vérité » (Musso).