Pearl : les secrets du tournage

Avec Pearl, la réalisatrice souhaitait explorer différentes formes de la féminité, l'apparence, la soi-disant faiblesse et la maternité. Elsa Amiel s'était déjà intéressée à la thématique du corps dans son premier court-métrage Faccia d’Angelo centré sur un ancien champion de boxe : "Comment vit-on exclusivement par, pour et à travers son corps ?"

C'est en découvrant le travail du photographe allemand Martin Schoeller sur des bodybuildeuses américaines relativement âgées que la réalisatrice a choisi de faire de ce milieu le centre du film : "j’étais bouleversée par la vulnérabilité de ces femmes - tout à fait inattendue quand on évoque cette discipline. Avec le bodybuilding, je tombais dans un monde d’apparence et d’abnégation, qui m’attirait par ses paradoxes, un monde d’extrêmes, sans cesse confronté à la limite de l’humain, qui provoque attirance et répulsion". Durant l'écriture, la cinéaste s'est rendue dans des compétitions, allant à la rencontre de ces athlètes à la fois imposants et vulnérables.

Léa Pearl est campée par Julia Föry, véritable bodybuildeuse qui n'avait jamais joué la comédie auparavant. Elle et la réalisatrice se sont rencontrées deux ans avant le tournage, alors que l'athlète n'était pas encore dans la catégorie des "Women’s Physique". Après avoir écumé l'Europe, les États-Unis et le Canada, Elsa Amiel décide de contacter à nouveau Julia Föry pour passer des essais : "J’ai été très impressionnée par son intelligence et sa sensibilité, son ultraféminité aussi. C’était un pari, mais nous l’avons tenu, toutes les deux". Le tournage a dû s'adapter à son entraînement drastique (trois séances par jour, soit six heures de travail quotidien).

La réalisatrice explique comment le format 2:35 s'est imposé à elle : "Il offrait de l’espace dans un film quasiment en huis-clos. Le scope donne de l’opulence, qui va de mise avec le bodybuilding. Et puis, il y avait aussi dans l’écran large quelque chose de la mythologie du cinéma américain. Ça donnait une ampleur au milieu du bodybuilding que certains reportages montrent comme étriqué, provincial, amateur, alors que souvent il est international, il brasse des langues, des univers et des cultures disparates… C’est un monde clos, mais vaste".

On peut voir au cours du film que les murs des chambres d'hôtel où séjourne Pearl sont recouverts de plastique. Il s'agit d'une pratique avérée pour protéger les murs du "tan" dont se recouvrent les athlètes, sorte de fond de teint huileux qui bronze le corps et cache les imperfections. La réalisatrice explique : "C’est extrêmement salissant ! Pour la petite histoire, les bodybuilders, pour enlever ce 'tan', utilisent du PAIC citron et du vinaigre, et ça nécessite plusieurs lavages…"

Peter Mullan a été le premier acteur à rejoindre l'aventure, quatre ans avant le tournage. Approché par la réalisatrice qui l'appréciait pour son travail chez Ken Loach et pour Mademoiselle Julie de Mike Figgis, le comédien a accepté le rôle une semaine après avoir lu le scénario et ne s'est pas défilé malgré les difficultés de financement du film et les nombreux changements du scénario.