Revoilà Roger Avary, le Tarantino déchu, de retour aux affaires après la peine de prison que lui a valu son implication dans un accident de la route mortel en état d'ivresse et une décennie d’activité comme scénariste sur diverses séries. ‘Lucky day’ est tout sauf une brillante réussite mais il a le mérite - ou le défaut, ça dépend de vos tendances personnelles - d’être totalement anachronique, comme si Avary ne s’était pas tenu au courant (ou avait refusé de le faire) de l’évolution des codes du cinéma populaire des quinze dernières années. Si on considère avec sévérité son style passéiste, il est facile de comprendre la raison pour laquelle c'est Tarantino, et non lui, qui est devenu une superstar : 'Lucky day' accuse en effet largement 20 ans de retard dans toutes ses dimensions. D'ailleurs, il est conçu presque totalement de la même façon que 'Killing Zoe', dont il devait constituer à l’origine la suite directe mais dont il ne sera, au mieux, que l’héritier spirituel : on y retrouve un perceur de coffres, un tueur fou, une étrange obsession pour la culture française, des flingues dans tous les sens. En fait, le problème d’Avary est qu’il ne sait pas s’arrêter à temps : là où dialogues et les digressions sont ciselés à la perfection chez son ancien pote, ils sombrent, quoique moins longs, du côté pesant et verbeux de la force. Là où chez Kwintine, la violence est idéalement dosée pour être choquante et soudaine sans qu’on puisse le lui reprocher au regard des tendances actuelles, Avary patauge dans le gore le plus potache. Là où le cabotinage maîtrisé est la norme, Avary lâche la bride à Crispin Glover, ce qui revient à peu près au même que de lâcher un pitbull affamé dans un jardin d’enfants. Sous de nombreux aspects, ‘Lucky day’ frôle de très près la série Z...mais d’un autre point de vue, comment ne pas éprouver une certaine satisfaction face à un réalisateur qui fut plutôt doué selon les normes d’un autre temps, et qui feint aujourd’hui d’ignorer toutes les évolutions stylistiques des deux dernières décennies, en ce compris le conformisme, le self-control et la tendance à l’auto-censure si fréquentes dans les productions contemporaines ?