La passion de Jeanne d'Arc : les secrets du tournage

Sorti en 1928, La Passion de Jeanne d'Arc devait être le premier film parlant de Carl Theodor Dreyer. Mais suite à des problèmes techniques liés aux studios dans lesquels il tournait le film, le cinéaste a dû renoncer, et faire finalement un film muet. Les débuts dans le parlant du réalisateur se feront finalement, et sans fausses notes cette fois-ci, en 1931 avec Vampyr.

Comme en accord spirituel avec son propos, le film La Passion de Jeanne d'Arc périt deux fois par les flammes. La première fois en 1928, à l'époque où il était déjà censuré par les autorités en raison de ses critiques sur le clergé. Carl Theodor Dreyer réussit alors à reconstituer le film en s'aidant des prises originales non gardées au montage. Mais, comble de l'ironie, cette seconde version "bricolée" brûla elle aussi. On crut le film définitivement perdu, jusqu'à ce que l'on retrouve une version apparemment fidèle à l'esprit de Dreyer (c'est à dire non censurée) dans un hôpital psychiatrique d'Oslo en 1981. Un miracle assurément.

Renée Falconetti, l'incarnation de Jeanne d'Arc à l'écran, est véritablement le cœur et l'âme du film, et Carl Theodor Dreyer l'a bien compris. Sur les 1 500 plans qu'il a tournés pour La Passion de Jeanne d'Arc, plus de 400, c'est à dire près d'un tiers, sont des très gros plans centrés sur le visage lumineux et innocent de l'actrice.

D'après des participants au film, les méthodes de travail du grand perfectionniste Carl Theodor Dreyer étaient particulièrement horribles pour la pauvre Renée Falconetti. Le réalisateur forçait ainsi son actrice à rester excessivement longtemps à genoux sur le sol dur. En outre, il n'hésitait pas à faire rejouer une même scène un nombre impressionnant de fois, pour avoir le choix au montage.

Renée Falconetti avait 35 ans quand elle interpréta le rôle de la jeune Jeanne d'Arc, âgée de 19 ans, dans le film de Carl Theodor Dreyer.

Reinhardt Wagner, compositeur nominé à l'Oscar pour sa chanson "Loin de Paname" du film Faubourg 36, est le dernier d'une longue liste à avoir produit une nouvelle orchestration pour La Passion de Jeanne d'Arc. Il explique que devant l'incapacité à discuter des intentions musicales du réalisateur (Carl Theodor Dreyer étant mort en 1968), il a choisi d'improviser au piano tout en regardant le film. Après quelques visions, lui ayant permis de saisir l'esprit et le rythme du long métrage, il a travaillé plus méticuleusement sa partition. Cette nouvelle version de La Passion de Jeanne d'Arc est ainsi presque entièrement en musique. Une interview à ce sujet est disponible sur AlloCiné.

Bien que le réalisateur n'ait jamais véritablement décidé d'une musique définitive pour son film, de nombreux compositeurs se sont succédés pour donner à La Passion de Jeanne d'Arc une bande son digne de ce nom. Bien avant Reinhardt Wagner, dernier musicien en date avec sa partition de 2012, c'est le compositeur néerlandais Jon Van den Booren qui écrivit une musique du film pour orchestre symphonique en 1985. Dans un tout autre genre, Nick Cave et le groupe post-rock the "Dirty Three" proposèrent en 1995 et en live leur vision du film, tout comme la rockeuse Cat Power dans de nombreuses projections en 1999. Un autre compositeur notable fut le Danois lauréat d'un BAFTA, Jesper Kyd, plutôt habitué aux jeux vidéo - Hitman, Assassin's Creed -, et commissionné en 2007 par le Festival du Film Danois pour fournir une nouvelle musique au film de Carl Theodor Dreyer.

La Passion de Jeanne d'Arc fait partie des 270 chefs-d’œuvre du cinéma (avec L'Atalante de Jean Vigo ou Toni de Jean Renoir), issus du catalogue Gaumont, appelés à être numérisés en 2012. Une opération financée par l'Etat, via la Caisse de dépôt, à hauteur de 10 millions d'euros, et qui devrait débuter en septembre 2012. A moyen terme, tous ces films, dont celui de Dreyer, seront donc disponibles sur les plates-formes numériques, garantissant leur préservation à l'abri du temps.