Classique de l’âge d’or hollywoodien, "Mr. Smith au Sénat" est avant tout un film qui porte la patte de son réalisateur, le grand Frank Capra. On retrouve cette innocente Amérique des années 30 qui n’est pas encore entrée en guerre et dont les seules préoccupations sont l’amour de la Patrie et le respect des valeurs édictées par les Pères Fondateurs. Le peuple est heureux, la Société est parfaitement classifiée (les hommes travaillent, les femmes sont à la maison ou, summum de la réussite, secrétaire, les enfants sont bien élevés...) et personne n’est conscient que les politiciens peuvent se livrer à de basses manœuvres. Le héros Jefferson Smith, patriote fraichement nommé sénateur, résume à lui seul l’état d’esprit de film. Il faut le voir débarquer à Washington et faire immédiatement le tour des grands monuments chargés d’Histoire (le Mémorial Lincoln en tête) ou s’offusquer que son modèle obéisse aux ordres d’un obscur promoteur immobilier. Si le film sortait aujourd’hui, il ne manquerait pas d’être démonté par la critique qui le taxerait de sentimentalisme primaire et de bienveillance suspecte vis-à-vis de la toute puissante Amérique. Et pourtant, le charme opère, et pas uniquement en raison de l’ancienneté du film grâce à laquelle on peut beaucoup pardonner (à commencer par les effets de mise en scène typiques de l’époque). Tout d’abord, la qualité de l’interprétation est tout simplement épatante et pourrait inspirer certains acteurs actuels, avec le fantastique James Stewart dans le rôle du grand naïf triomphant de la vilenie (un héros caractéristique des films de Capra), Jean Arthur en secrétaire usée (un rôle féminin étonnement riche pour l’époque), Claude Rains en sénateur corrompu mais empathique, Thomas Mitchell en journaliste, Edward Arnold en grand méchant ou encore Harry Carey en président du Sénat. A noter également, les prestations hallucinantes des gamins, que ce soient lors de l’improbable scène de repas du Gouverneur Hopper ou lors des séquences au Sénat. Plus étonnant encore, le rythme du film qui ne souffre presque pas de temps morts pourtant coutumiers des vieilles productions. Enfin, le scénario, bien que particulièrement candide, est empreint d’une époque malheureusement disparue où tout semblait plus simple, ce qui donne tout son cachet au film. Le seul reproche que je peux adresser à ce "Mr Smith au Sénat" est le final tant attendu où Smith prend la parole au Sénat pendant près de 24 h et que je trouve être la moins intéressante du film (dans le même registre, j’ai nettement préféré les diatribes enflammées de Jean Gabin dans "Le Président").