L'occasion était trop belle. Son premier long - On l'appelle Jeeg Robot - avait fait son petit effet en salles et Gabriel Mainetti voyait Hollywood lui proposer un ticket d'entrée avec Venom marqué dessus. Fini le système D, bonjour la prospérité ? Merci beaucoup mais non merci. Flatté, le réalisateur italien n'en reste pas moins lucide sur la commande et ses maigres chances de la transformer en film. Pourquoi contribuer à ternir la formule aux États-Unis quand on peut lui redonner de belles couleurs à domicile ? Mainetti préféra donc se lancer dans Freaks Out et on y a tous gagné.
L'idée n'est pas de "faire comme" mais de partir sur une base de travail proche et de la raconter à sa façon. Avouez, en lisant le pitch, vous avez pensé à un X-Men contre les Nazis. Ce n'est pas un problème, il y a un peu de ça. Juste un peu. Chez nos super-héros italiens, le contexte historique est primordial. Le défi est d'arriver à un décalage harmonieux entre les horreurs bien réelles de la période et la fantaisie baroque insufflée par les "monstres" du cirque. Victoire dès l'ouverture, qui passe d'une représentation poétique au chaos de la guerre en un claquement de doigt et ça marche. En vérité, ça fonctionne sur les 2h21. Deux raisons à cela.
La première, c'est l'identification évidente des personnages avec les victimes sélectionnées par les troupe fascistes. Je passerai sur la bande de résistants culs de jatte ou manchots (d'ailleurs très fendards) pour m'attarder sur nos 4 protagonistes. Abandonnés, moqués ou martyrisés, ils forment l'échantillon représentatif des populations persectutées... avec leur ennemi Franz, fervent soutien du Führer pourtant relégué au rang de bête de foire en raison de son "anormalité". De ses penchants à son parcours (en miroir avec celui de Matilde), il est l'un des meilleurs effets spéciaux du film, modifiant petit à petit la chanson qu'on pensait connaître par cœur. Sachez d'ailleurs que la musique aura un rôle clé pour appréhender cet univers.
Ce qui nous amène à la deuxième raison du triomphe de Freaks Out, qu'on pourrait décrire comme un geste de cinéma total. Le budget est relativement modeste (12 millions d'euros) mais Gabriele Mainetti donne tout ce qu'il a. Plan-séquence aux coutures quasi-invisibles, montage énergique, symbiose images/bande-originale, scènes d'action furieuses et effets visuels discrets mais très réussis,... Pour résumer, on assiste à la rencontre entre Indiana Jones, Guillermo Del Toro et Tarantino. On passe outre les quelques aléas (géographie étrange) devant tant de moments virtuoses : l'intro, la vision de Franz, la prise du wagon, le final ahurissant. À force de propositions, le film fait mieux que gagner les suffrages, il remporte l'admiration. Alors que du côté US, on en est au point de tout miser sur l'anecdotique, Gabriel Mainetti a le bon goût de revenir à l'essentiel. Son occasion manquée à Hollywood a été une vraie aubaine pour le cinéma Européen.