A Bombay, ville moderne, les traditions changent et se modernisent peu à peu. Ainsi, lorsqu’un domestique s’adresse à son employeur, il ne dit plus « Monsieur » en Indien, mais « Sir ».
C’est avec ce titre le plus concis qu’il soit, Rohena Gera nous livre un film simple, bourré de détails, revendicateur en douceur, à la mise en scène soyeuse et colorée tel le tissu traditionnel des saris.
Ratna est domestique chez Ashwin, elle vient d’une caste villageoise très traditionnelle, lui est issu d’une famille aisée. Il vit dans une prison dorée, un bel appartement en hauteur, loin de la foule. La vue de la terrasse est panoramique, l'esprit lui semble ne pas voir très loin car centré sur ses problèmes et omnibulé par la pression des proches.
Elle n’a presque rien et pourtant elle espère raisonnablement et voit le verre de thé à moitié plein et toujours chaud. Très respectueuse et tout à son travail, son service est très maniéré et distant comme s’il y avait une barrière symbolique ou réelle entre elle et son patron. Les silences sont lourds de significations, à l'égal des gestes. Elle s’assure qu’il y ait toujours une table, un plateau, un comptoir entre eux. Elle vit dans une petite chambre, mange assise par terre, retire ses chaussures dans l’appartement, lui dispose de tout le luxe occidental, avec une ouverture d’esprit et un modernisme qui contraste avec les coutumes locales.
Tillotama Shome est parfaite dans un rôle qui combine à la fois discrétion et détermination farouche. Son visage d’abord totalement neutre fini par être tour à tour lumineux, paré d'un sourire irrésistible ou, au contraire, très fermé et contrarié avec un air si dur que l'on ose s'approcher de trop près. A mesure que Ratna se livre au compte goutte, elle prend de plus en plus d'ampleur au point que l’on s'y attache. De simple domestique fade, on finit par la voir telle une femme hors de toutes classes, mais pas sans classe, dans tous les sens du terme !
Lui a découvert de nouveaux horizons et idéaux en partant à l'étranger mais se retrouve incapable de changer le fonctionnement et les mentalités de son entourage. Pire, même "ceux d'en bas" n'acceptent pas l'évolution des rôles séculaires. Le chemin reste long dans un pays où, bien qu'abolies, les limites des castes sont encore tangibles et acceptées des deux côtés.
Tout en retenue, en délicatesse, avec des moments de grâce simples et touchants, l’histoire évolue jusqu’à une scène finale aussi simple que sublime, qui offre une conclusion parfaite à un premier long métrage sans faute.
Certes le fil blanc est un peu trop visible mais il ne ruine pas l'étoffe de ce beau film, qui évite l’écueil d’une comédie romantique légère au profit d’une fiction qui dénonciation les injustices. Un film sur l'émancipation, qui donne de l'espoir, sans faire de victimisation. Espérons qu’il fera débat en Inde…