On va trouver Alice et le Maire formidable parce qu’il rappelle Éric Rohmer et L’Arbre, le maire et la médiathèque, dont il serait un point d’aboutissement on ne peut plus cynique et désabusé. Seulement, avec Nicolas Pariser, c’est l’arbre qui cache la médiathèque. On nous martèle que la jeune Alice Heimann a fait des études de Lettres et connaît plutôt bien la philosophie ; on exhibe des livres dans l’édition Garnier Flammarion pour épater la galerie ; on pointe du doigt l’inanité des comités, des réunions, des projets de communication qui brassent du vent. Mais à aucun moment le film ne propose une substitution un tant soit peu intelligente, encore moins virtuose. Avant de démolir les édifices, il faut penser ce que l’on va y mettre après. Or, en n’y mettant rien, ou seulement de l’agitation, la machine tourne à vide, s’excite seule et perd de vue à la fois le milieu qu’elle investit et la réforme des esprits qu’elle aimerait tenir. Il y a pourtant un thème central – fondamental –, dilué au sein du récit : un questionnement sur les pouvoirs de la folie à dire le vrai, à tirer de la confusion d’un rapport au monde une lucidité supérieure. Or, si la folie frappe bel et bien une femme artiste, celle-ci est relayée au second plan et apparaît tel un personnage embarrassant et donc comique que l’on va sortir du chapeau en fonction de la dynamique de l’ensemble. Terriblement opportuniste, le film évacue par conséquent ses personnages problématiques, ceux qui portent en eux des problèmes philosophiques relatifs à la vie en société, pour leur préférer les incessants badinages amoureux de cœurs blessés et isolés dans des pièces trop grandes peur eux. Alors on ne pourra pas reprocher à Alice et le Maire son casting, composé d’acteurs assez justes dans leur rôle, en particulier le duo de tête que forment une Anaïs Demoustier une fois encore formidable et un Fabrice Luchini parfait en vieux politicien paumé, perdu dans une pratique de la politique qu’il ne comprend plus, dans laquelle il ne réussit plus à s’investir. Leur belle complicité à l’écran justifie à elle seule le coup d’œil, mais ne saurait suffire à faire d’Alice et le Maire l’œuvre importante qu’elle aurait dû être. L’arbre cache la médiathèque, et de la médiathèque nous n’avons qu’un accès restreint, une vitrine derrière laquelle sont posés là quelques ouvrages – « en tête de gondole » dirait-on – et qui n’ont visiblement pas été lus, encore moins médités.