Avis sur L'Aigle noir

Voici un sympathique film d'aventure de Clarence Brown où l'on voit un Rudolph Valentino bien à l'aise dans le rôle d'un vengeur masqué, qui n'est pas sans rappeler un certain Zorro. L'histoire est bien agréable à suivre et même si l'ensemble manque un peu d'action, on ne peut pas dire que la mise en scène soit ennuyeuse, bien au contraire. De plus, le film possède des décors très réussi et une photographie qui à plutôt bien vieilli pour un film de cette époque. Un film à visionner donc par curiosité.

L'avant-dernier film du premier sex-symbol masculin est plutôt décevant. D'abord le noir et blanc est fade (comparé à "L'inconnu" de Browning ou au "Cirque" de Chaplin par exemple) mais c'est surtout l'histoire qui est décevante. L'aigle noir est en fait un mixte parfait entre Robin des bois et Zorro dont il reprend toutes les références, le film en devient sans surprises. Il reste un film d'aventure certe convenu mais qui reste de bonne facture. Valentino reste classe et certaines scènes ne manquent pas d'humour (la drague de la tsarine !). Pas un chef d'oeuvre mais un film honnête.

En 1925, Rudolph Valentino arrive au bout de son parcours terrestre, frappé qu'il sera un an plus tard en pleine jeunesse par une péritonite infectée mal soignée . Il traverse à cette période une très mauvaise passe aussi bien sur le plan personnel qu'artistique. Mal conseillé par son épouse Natacha Rambova qui ambitionne de le faire sortir des aventures exotiques où son charme latin est savamment mis en avant, il n'a plus connu le succès depuis "Arènes sanglantes" de Fred Niblo (1922). Engagé avec l'United Artists, il amorce son retour en grâce en revenant aux rôles qui ont fait son succès. Librement inspiré d'un roman de Pouchkine (Doubrovsky), "L'aigle noir" présente Valentino en officier de l'armée russe de la grande Catherine II qui sortant du rang est remarqué par la tsarine puis banni pour avoir rejeté les avances de cette dernière, grande consommatrice de ses jeunes officiers à qui elle promet le grade de général. Le Vladimir Dubrovsky de Clarence Brown tient à la fois de Zorro et de Robin des Bois, rôles emblématiques de Douglas Fairbanks qui est alors à son zénith. Valentino dont la virilité a plusieurs fois été mise en doute, a l'occasion ici de montrer qu'il peut lui aussi sauver la vierge et l'orphelin. L'opération est réussie, l'acteur est sobrement dirigé par Clarence Brown qui s'il n'est pas encore le réalisateur phare qu'il sera pour la MGM dans les années 30, a déjà une solide expérience. Le jeu outré qu'on reproche souvent à Valentino notamment ses fameux yeux de velours pour faire tomber les femmes en pamoison, est ici parfaitement maitrisé et Johnny Depp acteur au jeu reconnu en fait de nos jours sans doute bien plus dans son interprétation du pirate Jack Sparrow (saga "Pirates des Caraïbes") sans que cela ne choque personne. Solidement soutenu par Louise Dressler et la très jolie Vilma Banky qu'il retrouvera un an plus tard pour son dernier film " Le fils du sheik", l'amant du monde comme on l'appelait, montre une maîtrise de son art qu'il faut aujourd'hui regarder avec le recul historique nécessaire pour la juste appréciation d'un cinéma qui n'a plus cours

Ne nous y trompons pas : même un film muet peut engranger beaucoup de clichés. C'est clairement le cas de cet "Aigle noir", tant l'histoire se contente d'évoquer les aventures d'un justicier masqué motivé" par la vengeance tout en défendant le droit des opprimés (ba ouais, il est moins sympathique sinon!) Ceci dit, il faut reconnaitre que Rudolph Valention a le mérite de ne pas trop en faire et que certains moments sont bien vus, mais on a tout de même beaucoup de mal à se plonger dans ces aventures qui manquent cruellement de charme et d'originalité, qui plus est par une fin décevante que Brown nous faisait miroiter comme potentiellement originale, et qui finalement n'en aie rien. Pas froncièrement déplaisant, mais clairement mineur.