Après le western fordien, le western comédie, le western spaghetti, le western crépusculaire… Jane Campion nous invente le western freudien et gay-friendly, surfant dans le sillage (avec beaucoup moins de réussite) que l’émouvant brokeback Moutain.
Et la presse tombe en pâmoison. Campion « réinvente » le genre, « bouleverse les codes », « insuffle du génie » à un genre poussiéreux, trop masculin, trop hétéronormé, bref trop primaire.
Le diktat est posé : le western « nouvelle vague » du XXI ème siècle (tout comme le polar ou le fantastique) devra désormais être irrigué par la pensée progressiste ou ne sera pas.
L’idéologie imprègne l’ensemble des films de genre. Divertir le spectateurs abêti et ignare, ouvrir son esprit, devient l’urgence absolue.
L’injonction est pressante et sans appel : après le colonialisme et le racisme, le western humaniste et woke doit désormais dénoncer la masculinité (ou le masculin ?). Car celle-ci rime forcément avec brutalité, ignorance crasse et oppression.
Mais au-delà de ces considérations générales, que penser de ce Power of the dog ?
Certes, les couleurs sont flamboyantes, les paysages époustouflants, les images léchées (dieu merci avec les quelques dizaines de millions alloués au projet et l’utilisation excessive du drone !) mais l’histoire reste parfaitement consensuelle et d’une affligeante banalité.
Synopis : Un sale type trop pourvu en testostérone, qui ne se lave pas et monte à cheval, rencontre un adolescent sensible et fragile, quelque peu efféminé. Son homosexualité refoulée va faire naitre en lui des pulsions enfouies et inassouvies. Le cowboy frustré, à la virilité toxique, va donc tour à tour rabrouer puis se rapprocher de l’obscur objet de son désir, en lui lançant durant plus d'une heure des regards lourds de sous-entendus… (et non, vous n’aurez rien d’autre que ces œillades tour à tour noires ou languissantes…)
Ainsi posé, le concept aurait pu cependant être passionnant. Mais tout est annoncé avec la lourdeur d’un éléphant, sans nuances ni subtilités. Campion ne livre au final qu’un film calibré pour son public, un film à l’intrigue squelettique, sans aucune réelle interaction entre les personnages. Entre le film muet et le film contemplatif, on attend 2 heures que le récit démarre enfin, que la réalisatrice donne chair à ces pauvres héros caricaturaux et cependant totalement désincarnés, des personnages dont on ne sait qui ils sont, ce qu’ils veulent réellement, d’où ils viennent et où ils vont aller.
En résumé, c’est indigent, vide et creux, long et plat comme une autoroute.
Tout est ultra prévisible (sauf le dénouement), sans enjeu narratif, sans folie, sans aucune sensualité, sans émotion.
Aucun des personnages n’est attachant.
Visant à s’éloigner des clichés du genre, le film s’en rapproche pourtant étonnamment. A travers notamment le seul et unique personnage féminin, une idiote pleurnicharde et alcoolique, dont la présence à l’écran ne se justifie en aucune manière (sauf peut-être pour expliquer l’acte final).
Enfin, pour un récit qui prétend renouveler le genre, Le film reste très manichéiste, avec ses gentils et ses méchants. Les méchants (pas bien méchants du reste) sont les cowboys abrutis et homophobes qui sentent le cuir. Le gentil (pas si gentil du reste) est ce jeune éphèbe dégingandé, pourvu d’une sensibilité hors norme parce différent et sans doute gay.
Vous avez dit cliché ?