L'EXORCISTE marqua un tournant dans l'histoire du cinéma fantastique. Romero avec LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, et Polanski avec ROSEMARY'S BABY, venaient déjà, avec leurs chefs d'oeuvre respectifs, d'ouvrir une voie nouvelle pour le film d'horreur, en 68. Friedkind, cinq ans plus tard, prouve que le genre attire un public de plus grand, et confirme cette tendance, qui va se développer tout au long de la décennie, d'un genre de film d'horreur auquel le spectacteur peut s'identifier, dont le sujet devient plus proche de ce dernier. Le film fantastique horrifique nouveau exploite la thématique des manifestations du mal en osant tendre un miroir au spectateur qui y voit son propre reflet. Il devient subversif et dérangeant, et renforce également, avec un brin de perversité, son pouvoir de fascination sur ce même spectacteur.
Friedkind ose provoquer, choquer. Il part de la situation dramatique d'une mère qui assiste impuissante à la transformation de sa fille. Schizophrénie, puissances occultes? Le doute va durer jusqu'à l'acte de l'exorcisme. En nous montrant une fillette a priori innocente, possédée et défigurée par un démon puissant, le cinéaste porte à son paroxysme un thème qui sera repris de manière récurrente dans des oeuvres ultérieures, celui de l'enfant-monstre. D'où vient ce mal? Ce sont les symptômes d'une société américaine défaillantelque le réalisateur nous expose d'abord. Des inégalités sociales flagrantes dans les villes où la misère cotoie la richesse, la maladie, la peur de la vieillesse... Et des rapports tendus entre adultes ressentis par l'enfant, des comportements agressifs, le divorce des parents... La haine est profondément encrée dans la société et l'être humain. De l'inquiétude et la peur grandissante, Friedkind va jusqu'au dégoût viscéral. En proie au doute, Damien Karras apparait en pleine crise intérieure, constament tiraillé entre son esprit scientifique de psychiatre et les croyances mystiques de sa vocation de prêtre. Obsédé aussi par la mort de sa mère âgée et malade.
L'EXORCISTE est l'adaptation du roman du même nom de William Peter Blatty. Ce dernier ayant co-écrit le scénario avec le cinéaste, le film reste proche de son oeuvre, laquelle est un excellent livre.