Dès les premières images, j'ai été happé par cette œuvre (aussi passionnante qu'exigeante) qui n'a rien à voir avec le film hollywoodien qui l'a précédé (avec Charlton Heston dans le rôle principal). Ici, c'est puissant, intense, âpre et le vrai message, ce ne sont pas les péripéties d'un biobic mais les affres de la création artistique. Qui a dit : "Créer, c'est vivre deux fois" ? Notre Buonarotti (magistral Alberto Testone) ici vit cent fois ! Pas toujours sympathique, l'homme est dévoré par un feu intérieur, à une époque où la papauté est consternante ainsi que les luttes de pouvoir entre deux grandes familles qui, moyennant moult ducats, se disputent le grand artiste. Je conçois que ce genre de cinéma aux reflets pasoliniens puisse laisser... de marbre ! (de l'action, de l'action !!!) Quant à moi, j'ai été aussitôt ébloui, touché par cette figure de l'Artiste rugueux et indomptable dont la seule passion est celle-ci : apprivoiser la Nature, l'humaniser, comprendre LA roche, ses veines, sa "blancheur de sucre", ses pulsations prêtes à s'incarner dans une touchante Pietà ou un pathétique Esclave mourant. J'ai été surpris qu'aucune allusion ne soit faite aux amours (homosexuelles ) du sculpteur. Mais Buonarotti en avait-il le temps ? Tout à sa soif aussi immense qu'insensée, à sa quête indomptable, à ses hallucinations mystiques, à ses colères pathologiques, à ses mesquineries et filouteries aussi... dans un monde où la compassion n'a guère de place. Quel destin ! Quel génie surhumain ! Et à la fin du film, caresser — enfin ! — du regard les fameux chefs-d’œuvre extraits de leur gangue minérale, quel plaisir pour le spectateur, quelle émotion, quelle récompense après 2h 16 d'une projection fiévreusement habitée. Oui, oui, l'Homme peut être parfois génial. Et un cinéaste âgé aussi. Car le 7ème Art, celui d'Andreï Konchalovsky, permet célébration, intériorisation et sublimation. Grazie ou, comme on dit en russe, благодарю вас !