Ninja Turtles: Teenage Years : les secrets du tournage

Les Tortues Ninja ont presque été créées par accident, en novembre 1983, alors que les deux auteurs de BD et amis Kevin Eastman et Peter Laird glandaient dans leur "atelier" (ou plutôt le salon de l’appartement dont ils étaient colocataires). À l’époque, ils cherchaient seulement à se faire rire mutuellement. "C’est notre passion qui nous a amenés à imaginer les personnages des Tortues, mais c’est aussi cette soirée de blagues de potaches", confie Eastman. "Je suis un grand fan de Bruce Lee et je me suis dit ‘si Bruce Lee était un animal, quel animal le plus ridicule serait-il ?’ Je me suis alors mis à dessiner une tortue, qui se tenait debout, avec un masque et des nunchakus autour des bras."

Ils ont décidé d'affubler des personnalités distinctes aux Tortues, en s'inspirant de leurs amis d'enfance. Quant à leurs noms, Eastman, passionné d’histoire de l’art, a opté pour des peintres de la Renaissance. Ils ont rencontré le succès dès la parution du premier numéro en 1984 qu'ils ont eux-mêmes financé. Depuis, une série animée, plusieurs longs-métrages, des jeux vidéo et de nombreux produits dérivés ont vu le jour.

Fans de la première heure, Seth Rogen et Evan Goldberg n'en revenaient pas de se voir proposer Ninja Turtles Teenage Years par Brian Robbins, PDG de Paramount et Nickelodeon. "Pour être honnête, personne ne nous a jamais proposé de partir d’une licence aussi forte pour imaginer un film", reconnaît Goldberg. Ces deux amis de longue date ont écrit et produit de nombreuses comédies, telles que SuperGrave, Délire Express, C'est la fin et Sausage Party.

Phil Lord et Chris Miller, réalisateurs de La Grande Aventure Lego et producteurs des Mitchell contre les machines, sont de très bons amis de Seth Rogen et Evan Goldberg. Ce sont eux qui leur ont conseillé Jeff Rowe, qui a co-réalisé Les Mitchell, pour mettre en scène cet opus consacré aux Tortues Ninja. Fan absolu, Rowe était ravi de la proposition mais pensait qu'il avait raté sa chance après deux rendez-vous qui s'étaient selon lui "très, très mal passés." Pourtant, il a obtenu un troisième rendez-vous avec Point Grey Pictures : "Je peux dire que cette réunion s’est bien passée, mais il a fallu que j’en fasse des caisses en affirmant ‘je vous en prie, j’adore ces personnages ! Je ferai un super boulot ! Prenez-moi !’"

Ce qui a d'emblée séduit Seth Rogen dans ce projet était de se pencher sur l'adolescence des Tortues Ninja. Il y voyait l’opportunité de faire un film avec un véritable esprit adolescent – en transgressant toutes les règles, en renversant les codes et en imaginant une toute nouvelle approche. De plus, la société Point Grey Pictures qu'il a fondée avec Evan Goldberg produit régulièrement des films pour ados, comme Contrôle parental et Good Boys. Rogen déclare : "J’ai joué mon premier rôle, en tant qu’adolescent, dans la série Freaks and Geeks. Ensuite, on a écrit SuperGrave. Je crois qu’une bonne partie de ma carrière est intimement liée au teenage movie. Je me suis toujours dit que ce serait intéressant d’aborder les Tortues Ninja à travers ce prisme." 

Quitte à raconter une histoire sur des adolescents, Jeff Rowe voulait donner l'impression que le film était réalisé par des ados. Il ne voulait pas d'une production lisse et aseptisée mais chaotique, drôle et imprévisible. Evan Goldberg et Seth Rogen ont été séduits par cette proposition, comme ce dernier le révèle : "« [De manière générale, en animation], on vous présente le projet et on vous montre quelques images qui sont belles et éloquentes. Et puis quand on voit le film, on se rend compte que le résultat a été aseptisé et que les touches de couleur initiales ont donné lieu à des images numériques ultraréalistes. Je m’y suis habitué. Pour ce film, on a commencé par nous présenter des concepts d’image parmi les plus géniaux que j’avais jamais vus. Tout avait été dessiné à la main et les lignes n’étaient pas parfaitement droites. [Mais cette fois] le concept de départ s’est retrouvé dans l’univers du film."

Jeff Rowe a retrouvé le chef-décorateur des Mitchell contre les machines, Yashar Kassai. Ensemble, ils ont constitué le style visuel en s'inspirant des jouets Tortues Ninja. "Quand Jeff m’a rencontré pour savoir si je correspondais à ses critères, on a évoqué les premiers objets dérivés des Tortues qu’on adorait. On a tous les deux parlé des dessins des boites des premières figurines. Je crois que ces illustrations, aussi excentriques soient-elles, en disent long sur cet univers. Ce ne sont que des dessins sur des boîtes de jouets, mais ils sont incroyables", note Kassai.

S'adapter à ce style a été un défi pour l'équipe des animateurs, qui ont dû désapprendre tout ce qu’ils avaient appris pendant leurs études. Il était difficile de restituer un style chaotique avec de la 3D, car les ordinateurs sont conçus pour l’ordre et la logique. "En général, dans un film d’animation, c’est la symétrie qui domine", explique Jacques Daigle, responsable de l’animation des personnages. "[Ici], Aucun personnage n’est symétrique". "On recherchait l’imperfection", ajoute Kassai.

Jeff Rowe avait des références visuelles étonnantes pour un film d'animation : Spike Jonze pour l’aspect authentique et quasi documentaire, Paul Thomas Anderson pour le dynamisme des mouvements d’appareil, et Alfonso Cuarón, en particulier pour son film Et... ta mère aussi ! et sa manière de rendre ses personnages attachants : "Son utilisation des plans-séquences vous donne envie de passer du temps en compagnie de ces personnages. Non pas parce qu’il se passe des événements extraordinaires – le film ne recherche aucun sensationnalisme – mais tout simplement parce qu’il fait en sorte de nous attacher aux pas des personnages. Du coup, on a vraiment l’impression de les connaître."

Splinter est doublé par Jackie Chan, dont Seth Rogen et Evan Goldberg sont d'immenses fans, comme en témoigne ce dernier : "Seth et moi sommes littéralement obnubilés par Jackie Chan. On regarde des films de Jackie Chan depuis la sortie de Jackie Chan dans le Bronx, qui nous l’a fait connaître. On trouve qu’il a un sens du rythme incomparable en matière de comédie, tout comme Buster Keaton et Charles Chaplin en leur temps. Il a su rendre ses scènes visuellement irrésistibles et captivantes. Et quand on sait qu’il s’agit d’une comédie d’arts martiaux animée, on ne pouvait pas rêver mieux que lui pour le rôle."

Après Pumba dans Le Roi Lion, Seth Rogen double à nouveau un phacochère avec le personnage de Bebop, qui forme avec le rhinocéros Rocksteady un duo de mutants violents et pas franchement malins.