Et l'amour dans tout ça ? : les secrets du tournage

À l’âge de 20 ans, la scénariste Jemima Khan a quitté Londres, où elle était installée, pour se marier au Pakistan. Elle a ainsi vécu pendant dix ans entre Lahore et Islamabad où elle a eu ses deux fils. "Au cours de toutes ces années, je me suis prise d’une profonde affection pour le Pakistan – un pays dynamique et fascinant, mais souvent dépeint sous un angle négatif. En vivant là-bas, j’ai découvert un point de vue radicalement différent sur la rencontre avec le grand amour."

Avec Et l'amour dans tout ça ?, elle explore le décalage entre la conception des relations amoureuses en Orient et en Occident. Un sujet qu'elle maîtrise bien puisqu'elle a été journaliste et a consacré des articles pour le New Statesman et le Sunday Times sur l'industrie des mariages arrangés. Si en Occident, le mariage arrangé est perçu comme archaïque et est souvent confondu avec le mariage forcé, Jemima Khan a tenu à montrer qu'au Pakistan, les couples formés par un mariage arrangé peuvent être très heureux : "La compatibilité entre les êtres prime sur l’alchimie et constitue un socle solide. De même, selon une approche traditionnelle, le fait de partager les mêmes valeurs prévaut sur la volonté de vivre une aventure, et le pragmatisme prime sur la passion."

Le couple qu'elle formait avec son ex-mari était le seul dans l'entourage de ce dernier à s'être marié par amour, et le seul aussi à avoir divorcé. On estime qu’environ 55% des mariages dans le monde sont encore arrangés. Au Pakistan, ce chiffre grimpe à 85% et en Inde à 90%.

Jemima Khan voulait rendre hommage au Pakistan, un pays qui souffre d'une mauvaise réputation en Occident et dont elle voulait célébrer l'atmosphère colorée et joyeuse : "Quand j’habitais là-bas, les gens se plaignaient souvent que les Occidentaux voient les Pakistanais comme fous et fanatiques, ou arriérés, et que leur pays était le plus souvent considéré comme l’un des plus dangereux au monde et qu’on n’en parlait qu’à travers le prisme du terrorisme ou de l’extrémisme."

La production a envoyé une première version du scénario à Shekhar Kapur, réalisateur d'Elizabeth avec Cate Blanchett. Né à Lahore au Pakistan, il a fait ses études à Londres et a donc fait personnellement l’expérience des chocs culturels. Jemima Khan revient sur ce choix : "Bien entendu, son regard oriental sur l’Occident est tout l’inverse du mien, si bien qu’il a insufflé un point de vue différent à cette intrigue. C’est un brillant cinéaste attaché aux personnages féminins forts, faillibles, émotionnellement complexes, comme il l’a prouvé dans La Reine des bandits et Elizabeth. Il constituait donc un choix intéressant, quoique peu logique de prime abord, pour s’atteler à une comédie romantique. J’estime qu’il a donné au film une profondeur qu’il n’aurait sans doute pas eue autrement".

Au départ, Jemima Khan ne souhaitait pas forcément inscrire son intrigue dans le genre de la comédie romantique, pas davantage que Shekhar Kapur n’avait l’intention d’en réaliser une. "Je ne savais pas précisément dans quelle direction j’allais au tout début", confie Khan, qui signe avec ce film son premier scénario. "Il m’a fallu beaucoup de temps avant de sentir que je maîtrisais suffisamment la structure et la tonalité pour le faire lire. Chemin faisant, je me suis rendu compte qu’il est parfois plus facile de livrer un message profond sur des enjeux complexes quand on le fait avec humour et bienveillance".