Bien évidemment, la première chose qui frappe dans "Dogville", c'est son dispositif révélant toute la théâtralité du récit : la ville est ici représentée dans un décor neutre avec des dessins à la craie au sol pour figurer les murs des maisons. Même chose pour le chien, les groseilliers et certaines portes. Ce dispositif, d'abord perturbant, finit par ne plus gêner tant Lars von Trier ne se repose pas dessus. Visant l'économie et l'épure alors qu'il aurait certainement livré de superbes plans en filmant réellement une ville dans les Rocheuses, von Trier déploie son récit tranquillement en neuf chapitres et un prologue, le tout narré par John Hurt. Le film nous conte donc le parcours de Grace, fuyant des gangsters dans Dogville. Recueillie à l'unanimité par tous les habitants, elle s'intègre à la communauté en les aidant. Mais leurs relations ne vont pas tarder à se détériorer, certaines personnes commençant à voir sa présence d'un mauvais œil. Dès lors, ce qu'il y a de pire dans l'être humain se révèle : la violence, les pulsions sexuelles, l'égoïsme, la veulerie, la lâcheté. A ce petit jeu, Lars von Trier est très fort, faisant monter la sauce pour mieux tomber dans quelque chose de glauque dans sa seconde partie, malmenant Grace pour mieux la préparer à sa vengeance... Dans ce rôle, Nicole Kidman est d'ailleurs absolument superbe, se montrant à la fois touchante et impitoyable, continuant de prouver son immense talent sans se reposer sur ses acquis. Entourée par de sacrés seconds rôles (Paul Bettany, Stellan Skarsgard, Ben Gazzara, Philip Baker Hall, Patricia Clarkson, Lauren Bacall, James Caan), l'actrice est impériale et donne encore plus de cœur à ce "Dogville" dont on admire le caractère implacable et résolument atypique.