Ceux qui survivent ne cessent de penser aux morts
Ryusuke Hamaguchi adapte ici un extrait du recueil Des hommes sans femmes de Haruki Murakami. Et au passage, empoche le Prix du scénario à Cannes, au demeurant, un prix bien mérité. Alors qu'il n'arrive toujours pas à se remettre d'un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu'on lui a assignée comme chauffeur. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé. 180 minutes d’une virtuosité sans pareil, le tout servie par un casting +++. Du grand art !
Il y a ici, de toute évidence deux films distincts… la preuve en est que le générique n’arrive à l’écran qu’au bout d’une bonne heure, séparant ainsi les deux histoires qui vont pourtant finir par s’imbriquer étroitement. Un film très lent et pourtant sans une seconde d’ennui tant les surprises jalonnent le scénario et ce, jusqu’à l’ultime minute. Aux yeux de Ryûsuke Hamaguchi, endosser plusieurs identités est une forme de folie socialement acceptée. Ce drame tente d’atteindre une forme de vérité à travers les sentiments contradictoires traversés par les membres d’une troupe de théâtre. Le texte de L’Oncle Vania de Tchékhov supplante souvent les dialogues des personnages du film, jusqu’à une dernière scène bouleversante de beauté et d’inventivité. Un coup de génie. Rien que pour lui, ça vaut le coup d’attendre 3 heures. Hamaguchi aime les expériences cinématographiques. Après Asako I et II, Senses 1,2,3,5,5, il nous offre – car c’est un cadeau -,
Hidetoshi Nishijima, Toko Miura, Masaki Okada, Reika Kirishima et les autres sont absolument époustouflants dans ce film qui nous parle de deuil, de parole juste, d’écoute et de création artistique. C’est un chef d’œuvre limpide, éblouissante et ciselée dans ses moindres détails. Rarement les relations humaines et les rapports amoureux ont été scrutés avec autant d’acuité. Le film envoûtant d’un réalisateur inclassable à découvrir de toute urgence. A coup sûr, un des sommets de l’année.