Le point de départ du film est La Chureca, la plus grande décharge à ciel ouvert du Nicaragua. Laura Baumeister de Montis y était déjà allée quand elle était adolescente. La cinéaste confie : "Le contraste entre les montagnes de déchets et l’un des plus beaux paysages de son pays natal (la côte du lac Xolotlán et ses reliefs montagneux) m’a profondément choquée, ce qui causa le début d’une longue réflexion. Un autre aspect qui m’a beaucoup touchée était les locaux, ceux qui vivent sur la décharge. Plus particulièrement leur capacité, cette énergie créative, à se réapproprier et à réinterpréter les objets pour leur donner une seconde vie."
"À cet époque-là, je travaillais beaucoup sur de l’art «déjà tout fait» et du contenu vidéo d'installation d’art, alors que sous mes yeux, dans un endroit peu élégant ni même respecté dans le monde de l’art, se trouvait des personnes qui, de manière involontaire, transformaient des objets afin d’en prolonger la durée de vie. Ces contradictions : déchets VS nature, détritus VS art, m’ont profondément marquée. Il m’arrivait de me réveiller en pensant à la condition humaine, à la volonté créative de chacun. Puis, quand j’ai finalement dû choisir un endroit pour parler de la séparation entre une mère et sa fille, j’ai su qu’il fallait que ce soit La Chureca."
La comédienne Ara Alejandra Medal a été une véritable découverte. Laura Baumeister de Montis s'apprêtait à tourner avec une autre fille mais la pandémie a retardé le projet et elle avait tellement grandi mentalement et physiquement qu’elle ne convenait plus pour le rôle. La réalisatrice se rappelle : "À ce stade, nous avions créé, avec le directeur de casting, une base de données de plus de 200 garçons et filles de la région, destinés à jouer des personnages secondaires, des figurants, etc. L’exceptionnelle Aracely en faisait partie. Elle avait auditionné pour jouer l’un des enfants qui apparait dans le hangar à ordures avec le prêtre évangélique, mais elle s’est vraiment démarquée. Elle avait cette présence, ce magnétisme."
"'C’est une fille qu’il faut absolument voir', m’a dit le directeur de la photographie. C’est dans cette optique que nous avons tourné quelques scènes et fait quelques exercices avec l’actrice qui joue le rôle de la mère. À partir de là, nous nous sommes rendu compte qu’elle avait un potentiel extraordinaire, non seulement pour jouer le rôle, mais aussi que son histoire personnelle conférait beaucoup de vraisemblance au personnage de Maria. Nous nous sommes également rendu compte qu’elle avait besoin de beaucoup d’entraînement, et nous avons donc conçu, avec le coach d’acteur, un plan de répétition qui a finalement abouti à la performance que vous voyez à l’écran. Sans aucun doute, il s’agissait d’une collaboration."
Le Nicaragua possède une filmographie très réduite : La Hija est l’un des cinq longs métrages de fiction des trente dernières années ou plus. Par ailleurs, il n’existe pas de fonds nationaux pour le cinéma. Récemment, il y a eu Ibermedia, mais pour postuler, il faut une coproduction. Laura Baumeister de Montis raconte : "Dès l’origine de ce projet, nous savions qu’il s’agirait d’un processus de collaboration difficile qui exigerait beaucoup de réflexion stratégique, de capacité de persuasion et de flexibilité. Ça n’allait pas être facile de respecter notre budget. Mais, comme dans tous les aspects de la réalisation d’un film, les alliés sont essentiels."
"Par chance, ce film a bénéficié de complices très attachants : mes productrices, Rossana Baumeister et Bruna Haddad , qui sont des maîtres dans l’art de l’inventivité, du marketing, de l’économie et de la bonne humeur - et nos merveilleux coproducteurs, qui ont été très compréhensifs et nous ont soutenus dès le premier jour. Pour être honnête, je pense que La Hija a suscité beaucoup de curiosité : l’histoire et les différents défis que le film présentait ont attiré les gens, et je ne peux franchement pas me plaindre, nous avons eu une équipe de premier plan. Cela n’a pas été facile, mais il ne fait aucun doute que cela en valait la peine."