Fan du réalisateur, j'étais pourtant réticent à l'idée de voir Fear and Desire. Pour la simple et bonne raison que Kubrick avait renié le film, et cherché à le détruire par la même occasion. Mais après l'excellente surprise que fût L'ultime Razzia, je me suis finalement décidé à voir ce métrage, banni par son auteur. Le cinéaste livre donc un film de guerre, sur un groupe de soldat perdu derrière les lignes ennemies. Et, même si le film n'est pas exempt de qualités, c'est vraiment laborieux.
Ce qui saute toutefois aux yeux, c'était que, avant de devenir cinéaste, Kubrick était photographe et cela se ressent. Le film est est plastiquement très réussi, la photographie est superbe et les cadrages sont d'une grande beauté.
En revanche, le reste du métrage souffre de l'amateurisme du futur, grand, cinéaste. Sa mise en scène tout d'abord est assez chaotique, elle semble s'évertuer à montrer tout les angles d'une même situation, sans pour autant avoir de cohérence dans son déplacement dans l'espace, c'est parfois intéressant mais le plus souvent indigeste.
Il faut dire que tout cela n'est pas aidé par un montage très hasardeux. De nombreux plans sont réutilisés à outrance, cela fini par perdre le spectateur dans le déroulé de certaines scènes, comme celle de l'attaque dans la cabane.
En terme narratif, le film souffre de beaucoup de défauts mais possède aussi quelques qualités. Le fait de rendre ce conflit universel en ne donnant aucune indications et en précisant dès le départ que "Cette situation n'existe pas" est à double tranchant. Car autant le manque d'indications permet de rendre l'oeuvre intemporelle et ainsi faciliter l'identification aux personnages, autant assumer le côté fictif du récit dès le départ par une voix-off détruit la dramaturgie.
De plus, le métrage ne propose pas d'approche particulièrement novatrice du film de guerre, les thèmes sont éculés au possible (aliénation du soldat) et traités de manière très peu subtil, surtout pour le même auteur que "Les sentiers de la gloire". Rajoutez à cela des monologues internes tous plus fumeux les uns que les autres, et le tout se révèle peu convaincant.
Au final Fear and Desire est une oeuvre bancal, brouillon des futurs travaux de Krubick. Le film est très hasardeux et souffre d'un vrai manque d'originalité et de maitrise. Reste toutefois quelques qualités formels, mais trop peu pour rattraper les maux du métrage.