Les Fraises sauvages : les secrets du tournage

Le scénario des Fraises sauvages a été écrit alors que son réalisateur, Ingmar Bergman, était sur un lit d'hôpital. Neuf ans plus tard sort en salles Persona, dont les premiers fragments ont également été écrits lors d'un séjour du cinéaste à l'hôpital.

Le directeur de la photographie Gunnar Fischer, qui aura collaboré à sept reprises avec Ingmar Bergman, a déclaré que de nombreuses scènes des Fraises sauvages ont dû être tournées en intérieur à cause de l'état de santé de l'acteur Victor Sjöstrom qui interprète le rôle principal du docteur Isak Borg : "Nous avons dû nous contenter de très mauvaises surimpressions pour rendre le paysage en train de défiler par la vitre de la fenêtre de la voiture, parce que nous ne savions pas, d’un jour sur l’autre, si Victor n’allait pas mourir". Ingmar Bergman avait promis à l'acteur que s'il acceptait le rôle, il serait rentré chez lui chaque jour à 17h15 et aurait son grog de whisky. Dans le film, Victor Sjöstrom est âgé de 78 ans, comme le personnage qu'il interprète. Ce sera sa dernière apparition au cinéma.

Dans une scène de La Meilleure Façon de marcher, de Claude Miller, le moniteur Philippe, incarné par Patrick Bouchitey, initie les enfants de la colonie aux oeuvres de Shakespeare mais également à Ingmar Bergman puisqu'il regarde à la télévision Les Fraises sauvages en version originale.

Si le genre du road-movie doit sa naissance aux Raisins de la colère de John Ford en 1947, Les Fraises sauvages, avec ses multiples scènes en voiture, la prise en charge d'auto-stoppeurs, les arrêts au restaurant routier et à la pompe à essence, font partie de ces longs-métrages qui ont donné ses lettres de noblesse au genre.

Le tournage du long-métrage a duré du 2 juillet au 27 août 1957, et les intérieurs ont été réalisés aux Studios Filmstaden Rasunda en Suède.

Les Fraises sauvages doit son titre à un souvenir d'enfance du vieux professeur qui se souvient de ce petit coin de paradis où il cueillait des fraises près de la maison familiale. Déjà en 1950, Ingmar Bergman faisait référence à ces fruits dans Jeux d'été. Et comme une sorte de prélude, dans une scène du Septième Sceau, Mia (Bibi Andersson) offre des fraises sauvages et du lait au chevalier. Un indice qui en disait long quant à son prochain film, alors en préparation.

En 1998, Woody Allen déclarait : "L'horloge sans aiguilles, les chevaux qui tirent le char funèbre et qui soudain se figent, le soleil aveuglant et le visage du vieil homme tandis que son squelette le place dans le cercueil. Qui peut oublier de telles images ?". Le réalisateur américain a la réputation d'être un fan ultime d'Ingmar Bergman, dont il a découvert les films à l'âge de 18 ans, et qu'il considère comme un maître. Plusieurs de ses réalisations reprennent d'ailleurs les mêmes thèmes que ceux du réalisateur suédois (la mort, la solitude, la complexité du couple...) et l'intrigue d'Une Autre femme rappelle vaguement celle des Fraises sauvages : dans les deux longs métrages, les héros (Gena Rowlands chez Woody Allen et Victor Sjöstrom chez Ingmar Bergman) remettent en question leurs vies.

Dans un carnet de tournage, Ingmar Bergman dira de Victor Sjöström : "Nous avons tourné les gros plans d'Isaac Borg lorsqu'il trouve la lumière et la paix intérieure. Son visage brillait d'un éclat mystérieux, reflet d'une autre réalité. Ses traits étaient brusquement devenus doux, presque effacés. Il avait l'air ouvert, souriant, tendre. C'était un miracle. Le calme total... la paix et la lumière de l'âme. Jamais avant ni depuis je n'ai rencontré de visage si noble et si libéré". Sans cet acteur, le cinéaste suédois n'aurait pas tourné le film puisque c'est à lui qu'il avait directement pensé quand il avait imaginé l'histoire du professeur Isak Borg.

L'acteur et réalisateur Victor Sjöstrom avait déjà tourné sous la direction du cinéaste suédois en 1950 dans Vers la joie. Il tenait le rôle de Sonderby, un chef d'orchestre menant à la baguette deux violonistes.

Après le succès du Septième Sceau, lauréat du Prix du Jury à Cannes en 1957, Ingmar Bergman remporte un second prix pour une de ses réalisations l'année suivante. Les Fraises sauvages obtient l'Ours d’or au Festival de Berlin en 1958.