Je me suis fixé une ligne de conduite : ne jamais critiquer un acteur qui, s'il est un véritable acteur, joue le rôle qu'il a accepté en même temps que le scénario. Je ferai une exception avec Omar Sharif. Pour mon plus grand malheur, je l'ai d'abord connu comme pronostiqueur de course hippique. Je l'ai découvert bien plus tard comme acteur, et quel acteur ! Certainement le plus grand acteur que la France ait connu. Non, je n'exagère pas. Il est l'un des rares à entrer dans la peau d'un personnage et non à s'accaparer un personnage jusqu'à le dénaturer. Bourvil, lorsqu'il ne jouait pas les bonnes vieilles comédies comiques à la française, parvenait à être sublime, tout comme Omar Sharif l'a toujours été, du moins dans les films où j'ai pu admirer son talent. Dans "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", il est égal à lui-même : parfait. Il donne à ce film la spiritualité que le scénario contient en herbe, une spiritualité qui entraîne le jeune Momo (Pierre Boulanger) sur le chemin du savoir.
Ce film est un roman initiatique. Un roman, il l'est car on est emporté, soulevé par l'histoire qui, malgré nous, nous oblige à nous identifier à un ou plusieurs personnages et à espérer qu'il ne se termine jamais. Initiatique, sans conteste. Le petit épicier "arabe", cet anonyme du "petit peuple", va offrir au jeune Momo, né de confession juive, un père spirituel, une voie à découvrir, à parcourir, à suivre.
Ce dernier va l'accepter jusqu'à demander à être adopté. La fascination est à l'œuvre dans le cœur de ce jeune adolescent.
Pierre Boulanger me fait penser à un autre Momo, celui de "La vie devant soi", avec Simone Signoret, autre grand film et autre grand nom du cinéma.
Ce film n'est pas, à mon sens, à regarder derrière les lunettes de la religion. Il dépasse ces clivages. Mieux, il les surpasse. Il s'agit avant tout de la rencontre de deux êtres qui ne demandent qu'à s'inspirer l'un l'autre, à se conjuguer pour mieux se comprendre, mieux se connaître et, surtout, trouver cet ailleurs que tout le monde recherche : le sens de la vie.
Bref, un grand film, à voir, à revoir, et à revoir de nouveau, sans modération. Un grand moment de cinéma et, osons le dire, un chef-d'œuvre de la culture.